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F.A.Q. L'essentiel sur la jaunisse : biologie, transmission, surveillance et méthodes de lutte

La lutte contre les jaunisses virales reste une priorité de la campagne 2020, et la surveillance ne doit pas être relâchée. Cette "foire aux questions" a été conçue pour répondre à vos interrogations sur les virus de la jaunisse, les pucerons vecteurs, la surveillance mise en place par la filière et les moyens de lutte actuellement disponibles.

Qu’est-ce que la jaunisse ?

La jaunisse est un complexe de 3 virus :

  • La jaunisse modérée, causée par deux virus génétiquement proches, de la famille des Lutéovirus : le Beet Chlorosis Virus (BChV) et le Beet Mild Yellowing Virus (BMYV).
  • La jaunisse grave, causée par un seul virus appartenant la famille des Clostérovirus : le Beet Yellows Virus (BYV).

 

Laquelle est la plus fréquente au champ ?

En octobre dernier, 96 prélèvements de betteraves individuelles ont été effectués par les délégations régionales de l’ITB dans 14 départements couvrant l’ensemble des grandes régions betteravières. Ces échantillons ont été analysés au laboratoire par le GEVES et l'INRA. Les virus responsables de la jaunisse modérée (BChV et BMYV) sont détectés dans 93 % des échantillons analysés dont 72 % pour le seul BChV. Le BYV, responsable de la jaunisse grave, n’est détecté que dans 7 % des échantillons.

Prévalence nationale des virus de la jaunisse à l'automne 2019 (projet Casdar AMS ExTraPol)

 

Comment saurais-je si mon champ est infecté par la jaunisse ?

Les feuilles infectées par la jaunisse prennent une teinte jaune-orangée, puis elles s’épaississent et deviennent cassantes. Un champ infecté présentera des ronds de jaunisse répartis aléatoirement en fonction de la dispersion des foyers d’infection. Les symptômes sont généralement bien visibles à partir du mois de juillet.

Les autres jaunissements observables (sécheresse, carences physiologiques) ne sont jamais associés à un épaississement des feuilles et apparaissent généralement dans l’ensemble d’un champ, pas sous forme de ronds. Il peut éventuellement y avoir confusion fin juin début juillet avec des feuilles infectées par du mildiou dont les extrémités jaunissent et s’épaississent, mais il ne s’agira que de betteraves isolées.

Il est très difficile de distinguer la jaunisse modérée de la jaunisse grave à l’oeil nu, seul un prélèvement de feuilles suivi d’un diagnostic viral au laboratoire permettra d’identifier de manière certaine le virus impliqué.

 

 

Parcelle infectée par la jaunisse en Normandie en 2019 (ITB)

 

Comment la jaunisse est-elle transmise ?

Ces trois virus sont tous exclusivement transmis par des pucerons vecteurs lorsqu’ils piquent les feuilles de betteraves pour y prélever de la sève. Le puceron vert du pêcher, Myzus persicae, est le principal vecteur de la jaunisse, car il a de très bonnes capacités de transmission des virus de la jaunisse modérée (BChV et BMYV) comme de celui de la jaunisse grave (BYV). Le puceron noir de la fève, Aphis fabae, est un vecteur secondaire du BYV, mais ne transmet pas le BChV ni le BMYV. La jaunisse n’est jamais transmise à la descendance des pucerons contaminés.

Individu ailé de Myzus persicae et sa descendance aptères (INRA - Bernard Chaubet).

 

Il existe d’autres espèces de pucerons verts vectrices telles que Macrosiphum euphorbiae, Acyrtosiphon pisum, Myzus ascalonicus ou Aulacorthum solani pour n’en citer que quelques-unes mais celles-ci sont minoritaires et leurs capacités de transmission bien plus faibles que celles de Myzus persicae. Des captures d'ailés dans un réseau de cuvettes jaunes au printemps-été 2019 permettent d'avoir une idée de l'importance numérique de chaque espèce.

Répartition des captures d'individus ailés (n = 5104) dans un réseau de cuvettes jaunes (données ITB / SAS 2019)

 

Quels sont les réservoirs viraux en interculture ?

La jaunisse est apportée dans les champs de betterave au printemps par les vols de pucerons, principalement Myzus persicae, qui ont pu acquérir le virus sur des plantes réservoirs en interculture. Il s’agit en premier lieu de repousses foliaires dans les silos de betteraves fourragères et dans les cordons de déterrage des betteraves sucrières. Les épinards d’hiver ainsi que diverses adventices dans les champs et talus (Mouron blanc, Séneçon vulgaire, Capselle bourse-à-pasteur, Véronique commune, Beta maritima) constituent également des réservoirs viraux. Enfin, un certain nombre d’espèces, sans être hôtes des virus de la jaunisse, abritent néanmoins des populations de Myzus persicae : il s’agit bien sûr du colza mais également de crucifères d’interculture comme le radis ou la vesce.

 

Combien de temps un puceron doit-il se nourrir sur une plante avant d’être infectieux ?

Cela dépend du type de virus. Pour les virus de la jaunisse modérée (BChV et BMYV), qui sont dits persistants, le temps d’acquisition sur une plante infectée est d’environ 48h à 72h, et le puceron reste infectieux à vie. En revanche, pour le virus de la jaunisse grave (BYV), qui est dit semi-persistant, le temps d’acquisition est plus court, de quelques minutes à plusieurs heures, et le virus est perdu dans les 24h à 48h qui suivent. Aucun de ces virus ne peut être transmis à la descendance des pucerons infectés.

 

Quel est le temps de latence entre le moment où la plante est infectée et celui où elle exprime des symptômes ?

Le temps de latence est en général de 2 à 4 semaines mais serait plus court pour la jaunisse grave (1 à 2 semaines) que pour la jaunisse modérée (4 à 6 semaines). Dans tous les cas, le contrôle des pucerons doit être effectué avant l’apparition des symptômes dans les champs.

 

A quel stade la betterave est-elle la plus sensible au virus ?

La période à risque commence dès l’apparition des premiers pucerons dans les parcelles au plus tôt fin avril début mai, soit à partir du stade 2 feuilles jusqu’à la couverture du sol fin juin. Sur des plantes non protégées, la dissémination du virus et des symptômes associés peut continuer jusqu’à la récolte, mais les plantes plus âgées (au-delà du stade 12 feuilles) sont naturellement plus résistantes aux pucerons et à la transmission virale. Ce phénomène est connu sous le nom de "résistance à maturité", il impacte notamment la capacité des pucerons à se nourrir et se multiplier sur les plantes, mais ses déterminants sont à ce jour encore mal connus.

Stades de sensibilité à l'infection virale (ITB)

 

Quel est le risque de pertes de rendement en cas d’infection ?

D’après les données collectées par l’ITB en 2017 et 2019 sur un grand nombre de parcelles, la jaunisse modérée entraîne une perte de productivité moyenne à l'intérieur des ronds de 28 %. A l’échelle de la parcelle, 10 % de surface infectée représentent une perte de rendement racine d’environ 3 t/ha. La richesse peut également être impactée, jusqu’à 0.5 point en moins.

En ce qui concerne la jaunisse grave, qui en 2019 n’était que très peu présente sur le territoire français, des essais menés en Angleterre ont révélé des pertes de productivité à l’intérieur des ronds de 40 à 50 %.

Pertes de productivité moyennes dans les ronds de jaunisse en 2017 et 2019

 

Y a-t-il également un risque en cas de fortes infestations d’aptères noirs ?

Rappelons en premier lieu que les aptères noirs (Aphis fabae) ne sont pas vecteurs de la jaunisse modérée et uniquement des vecteurs secondaires de la jaunisse grave. Les colonies de pucerons noirs peuvent cependant occasionner des dégâts directs en s’alimentant sur les feuilles de betterave (perte de vigueur des plantes). Ces pucerons produisent également, en se nourrissant, du miellat à l’origine du développement de la fumagine, c’est-à-dire de moisissures noires sur la face inférieure des feuilles. Deux essais conduits par l'ITB et Tereos en 2019 ont montré que même en cas de fortes infestations par des colonies d'aptères noirs, il n'y avait pas d'impact sur le rendement en l'absence de jaunisse. Il est donc déconseillé de baser ses décisions d’intervention uniquement sur la base d’observations de pucerons noirs. Cela serait contre-productif économiquement parlant et risquerait de diminuer l’efficacité des produits. D’autre part, les traitements à base de pyréthrinoïdes ou carbamates ne sont pas des aphicides stricts et détruisent également la faune auxiliaire, qui régule naturellement les colonies d’aptères noirs en cours d’été.

 

Les auxiliaires sont-ils utiles ?

Il existe tout un cortège d’auxiliaires de la betterave, prédateurs comme parasitoïdes. Les prédateurs spécialistes des pucerons sont les coccinelles, syrphes, chrysopes, punaises mirides et cantharides. Les coccinelles par exemple déposent des œufs jaunes orangés sous les feuilles de betteraves. Au stade larvaire, un individu ingurgite en moyenne 3000 pucerons pour assurer son développement. Les femelles adultes peuvent quant à elles dévorer 300000 adultes au cours de leur vie. D’autres familles d’auxiliaires, comme les micro-hyménoptères parasitoïdes, pondent leurs œufs à l’intérieur des pucerons, œufs dont le développement conduira à la mort des individus parasités. Enfin, des agents pathogènes comme les champignons entomophthorales contribuent aussi à la régulation naturelle des populations de pucerons.

 

Quel réseau de surveillance en 2020 ?

Les experts de l’ITB, les services agronomiques des sucreries ainsi que les autres observateurs du Bulletin de Santé du Végétal (BSV) effectuent une veille hebdomadaire sur le risque pucerons. Environ 200 parcelles d’agriculteurs sont suivies dans le cadre de ce réseau de Surveillance Biologique du Territoire (SBT). Lors de ces observations, des comptages d’aptères verts sur 5 séries de 5 betteraves sont effectués sur chaque parcelle. L’information est rapidement saisie dans l’outil commun Vigicultures®. Cette base de données nationale est ensuite synthétisée localement lors de la rédaction des BSV et alimente également l’OAD Alerte Pucerons en temps réel. Le conseil intègre les observations de terrain, ainsi qu’une expertise basée sur les prévisions météorologiques ou des analyses annexes, comme des analyses sérologiques pour confirmer la présence de virus.

 

Quel est le seuil de risque ?

L’ITB a défini, sur la base de son expertise historique et des seuils appliqués chez nos voisins européens, un seuil de risque jaunisse égal à 10 % de plantes colonisées par au moins un aptère vert.

 

Comment et quand serais-je informé ?

L’ITB et la filière mettent régulièrement à disposition les dernières données issues du réseau de surveillance ainsi que leur analyse du risque. Ces informations sont utiles pour ne pas se laisser surprendre par la progression des vecteurs, toutefois, les observations doivent être faites à la parcelle avant chaque prise de décision.

Vos sources d'information :

  • Les notes d’informations régionales de l’ITB auxquelles vous pouvez vous abonner sur www.itbfr.org. Ces articles sont personnalisés par région, à partir des données d’observations récoltées chaque semaine, et avec les conseils des experts techniques de l’ITB. 
  • Les bulletins de santé du végétal (BSV) diffusés chaque semaine et reprenant plusieurs cultures dont la betterave.
  • L’OAD Alerte Pucerons mis à disposition par l’ITB et actualisé automatiquement avec les dernières observations.

 

Comment utiliser l’OAD Alerte Pucerons ?

Cet Outil d’Aide à la Décision est proposé gratuitement par l’ITB, sur la base des observations du SBT. L’accès se fait via le bandeau de l’article consacré sur le site de l’ITB. La carte de France permet de retrouver les informations des sites surveillés en vous déplaçant et en zoomant. Le survol des points d’observation renseigne sur la variété semée, la commune ainsi que la dernière date d’observation. La couleur des points indique le nombre de traitements préconisés sur la parcelle. Dès que le seuil d’intervention est atteint sur une parcelle, celle-ci se colore en T1, et le reste même après l’application d’insecticides. Puis, si le seuil est de nouveau dépassé après la période d’efficacité du produit, une pastille T2 est affichée pour inciter à protéger la parcelle une seconde fois. Enfin, le bandeau de gauche détaille la légende, rappelle l’utilisation de l’outil et les mentions légales. Les liens vers les notes d’informations y sont également repris.

 

Comment lutter contre la jaunisse ?

Dois-je mettre en oeuvre des mesures de prophylaxie sur ma parcelle ?

Oui. La betterave est le premier réservoir des virus de la jaunisse. Il est donc important d'enlever tous les résidus de récolte (cordons de déterrage, betteraves traînantes) car les repousses foliaires peuvent devenir des sources d'infection. Il est également important de bien gérer les mauvaises herbes, dans sa parcelle et en bords de champs, car un certain nombre d'espèces sont hôtes de pucerons vecteurs et parfois aussi des virus de la jaunisse.

 

Est-ce que les traitements de semences disponibles en 2020 permettront de lutter contre la jaunisse ?

Non. Comme en 2019, les traitements de semences disponibles en 2020 contiendront un enrobage de téfluthrine, permettant de lutter contre les ravageurs souterrains (taupins, blaniules, atomaires et tipules) mais n’auront aucun impact sur les populations de pucerons vecteurs de jaunisse.

 

Quels sont les insecticides disponibles en pulvérisation pour lutter contre les pucerons ?

Le Teppeki (50 % de Flonicamide) est homologué depuis le 21 décembre 2018 avec les conditions d’emploi suivantes :

  • Dose d’homologation de 0.14 kg/ha
  • Une application par an à partir du stade 6 feuilles vraies
  • Efficace uniquement sur pucerons (sélectif des auxiliaires)
  • Mélange possible avec les herbicides
  • Rémanence de 2 semaines minimum
  • Ajouter 1 l d’huile selon la réglementation

Le Movento (Spirotétramate à 100 g/l) a obtenu une AMM dérogatoire de 120 jours pour une utilisation en 2020 avec les conditions d’emploi suivantes :

  • Dose d’homologation de 0.45 l/ha
  • 2 applications par an (intervalle minimum de 14 jours) à partir du stade 2 feuilles jusqu'à couverture des betteraves
  • Efficace uniquement sur pucerons (sélectif des auxiliaires)
  • Ne pas utiliser en mélange car risque de baisse d'efficacité
  • Rémanence de 2 semaines minimum

 

L'essentiel à retenir

  • 2 formes de jaunisses existent, causées par 3 virus (BChV, BMYV et BYV)
  • Le puceron vert Myzus persicae est le principal vecteur des virus.
  • Le rendement dans les zones touchées diminue en moyenne de 28%.
  • Le seuil de risque se situe à 10 % de plantes colonisées par au moins un aptère vert.
  • L’OAD Alerte Pucerons donne l’aperçu le plus récent du risque jaunisse sur toute la France.
  • Une vérification à la parcelle des populations de pucerons s’impose avant d’intervenir.
  • L’ITB conseille pour 2020 les produits suivants : Teppeki (flonicamide) et Movento (spirotétramate).
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Agrément conseil de l’ITB à l’utilisation des produits phytosanitaires n° 7500002.
Le portail EcophytoPIC recense les techniques alternatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.


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