En résumé : les clés pour limiter la progression des souches résistantes :
- Appliquer un produit efficace et à pleine dose
- Adapter le nombre de traitements aux observations au champ (ne traiter qu’au seuil)
- Alterner les modes d’action
- Utiliser un fongicide multisite dans le programme
1. Choisir les produits fongicides
Une utilisation raisonnée des produits fongicides est essentielle pour la réussite de la protection. Le respect strict de la dose d’homologation permet de garantir une efficacité optimale des traitements tout en limitant le développement de résistances. Pour renforcer la durabilité de la protection, l’ITB recommande d’alterner les modes d’action. En effet, les fongicides traditionnels ciblent un seul site métabolique du champignon, ce qui favorise l’émergence de souches résistantes.
Produits les plus performants contre la cercosporiose
Les essais ITB montrent que l’Airone SC (1), à base de cuivre, est le produit le plus efficace utilisé seul. Viennent ensuite Propulse (1,2 l/ha) et Spyrale (1 l/ha). En revanche, les spécialités à base de strobilurines (Amistar Gold) ou les triazoles seuls (Timbal EW, Belanty, Passerelle) présentent une efficacité réduite et sont à proscrire en programme seul.
Le graphique ci-dessous illustre les performances relatives des produits (moyenne et intervalle de confiance à 90 %), mesurées sur la base des symptômes observés après une application unique.
L’homologation du produit Propulse / Yearling sur betterave permet d’alterner les matières actives et de réduire la pression de sélection des molécules largement utilisées comme le difénoconazole. Cette spécialité obtient de bonnes performances contre la cercosporiose. Elle est constituée de 125 g/l de prothioconazole (nouvelle molécule triazole pour la betterave) et de 125 g/l de fluopyram (nouvelle substance active de la famille des SDHI).
Pour la campagne 2025, l’ITB a obtenu une dérogation 120 jours afin de pouvoir également utiliser le produit Airone SC (1) sur betterave. Le cuivre a une action multi-sites sur le champignon : son utilisation permet de réduire la pression de sélection sur les molécules de la famille des triazoles et d’éviter l’augmentation des résistances sur cette famille chimique. L’ITB recommande :
- Dans les situations avec une forte pression cercosporiose : d’utiliser l’Airone SC, en mélange avec un produit traditionnel. Cela permet d’améliorer l’efficacité des traitements contre la maladie.
- Dans les régions avec une plus faible pression cercosporiose : le produit Airone SC peut être utilisé seul pour un passage dans le programme avec une dose entre 2,75 l et 3,5 l/ha (le produit à base de triazole n’est pas toujours nécessaire). Cette stratégie peut être utilisée lors du deuxième ou du troisième passage uniquement si la cercosporiose est la seule maladie présente dans la parcelle puisque que le cuivre n’est pas efficace contre les autres maladies du feuillage.
2. Adapter la stratégie au risque
Surveiller l’évolution des maladies du feuillage dans les parcelles permet de traiter au bon moment, afin de limiter la sélection de souches résistantes tout en maximisant l’efficacité des traitements.
Seuils de traitements définis par l’ITB :
- 1 % de feuilles atteintes pour le premier traitement (5 % pour la bordure littorale)
- 20 % pour le deuxième passage
- 25 % pour le troisième et éventuellement le quatrième
L’OAD Alerte Maladies (outil en ligne et gratuit) permet aux agriculteurs de suivre en temps réel la pression des maladies. L’ITB recommande de surveiller le risque à proximité de chaque parcelle. Si la pression locale augmente, un contrôle à la parcelle s’impose pour décider d’un éventuel traitement en cas d’atteinte du seuil.
3. Comprendre les résistantes
La gestion de la cercosporiose est aujourd’hui complexifiée par la généralisation des résistances. Le projet Recife (2019-2021), mené avec INRAE et l’ANSES, a montré que :
- 100 % des échantillons analysés en France présentent une résistance aux strobilurines.
- Les triazoles sont également concernés : aucune souche totalement sensible n’a été détectée.
Ces résultats s’expliquent par une pression de sélection élevée liée à une utilisation répétée des mêmes familles chimiques.
L’ITB a mené 144 prélèvements sur l’ensemble du territoire betteravier pour cartographier la sensibilité au difénoconazole et au tétraconazole. Les résultats cartographiés ne montrent pas de tendance géographique nette, mais plutôt une variabilité liée à l’historique des traitements de chaque parcelle.
Distribution de la sensibilité au difénoconazole dans les populations françaises de C. beticola. Tests en doses discriminantes sur populations de spores (une population = ensemble des souches présentes sur une même parcelle). Lorsque le FR (Facteur de Résistance) est au-dessus de 100 (en rouge), la population est fortement résistante et plus susceptible d’être associée à des pertes d’efficacité en pratique. En dessous de 30 (en jaune), la population est faiblement résistante.
Distribution de la sensibilité au tétraconazole dans les populations françaises de C. beticola. Tests en doses discriminantes sur populations de spores. Lorsque le FR (Facteur de Résistance) est au-dessus de 100 (en rouge), la population est fortement résistante et plus susceptible d’être associée à des pertes d’efficacité en pratique. En dessous de 30 (en jaune), la population est faiblement résistante.
(1) Le produit Airone SC à base d’hydroxyde et d’oxychlorure de cuivre a obtenu pour la betterave industrielle une dérogation 120 jours du 1er juin au 29 septembre 2025.
(2) Pour les sols artificiellement drainés, l’autorisation du Spyrale est limitée à 0,9 l/ha avec un seul passage par an (ZNT 20 m et DVP 5 m).
