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Analyse des solutions identifiées par l'ANSES en alternatives aux NNi

En mai 2021, l'ANSES a publié un avis sur l'"Efficacité des traitements disponibles pour lutter contre les pucerons de la betterave". L'ITB a analysé ce rapport et les solutions proposées à court et moyen terme :

Article de septembre 2021 mis à jour en janvier 2023

En raison du manque de références bibliographiques sur betterave, les solutions identifiées comme disponibles à court et moyen terme par l'Agence sont issues d'autres cultures, d'autres espèces de pucerons, avec des résultats obtenus le plus souvent en conditions contrôlées sur des cultures à haute valeur ajoutée. L'impact économique n'a pas pu être évalué. 

Les méthodes identifiées comme disponibles à court terme

Dans son rapport de mai dernier sur les alternatives aux néonicotinoïdes, l'ANSES a identifié 4 méthodes rapidement disponibles :

1. Le flonicamide : ce produit phytosanitaire est déjà utilisé en betteraves. Un point de vigilance important est indiqué par l'ANSES : les premiers cas de résistance au produit ont été détectés chez un puceron du pommier, Dysaphis plantaginea, dans des vergers français. Il convient donc d'être prudent quant à son utilisation pour éviter l'apparition de ce type de phénomènes chez Myzus persicae en betterave. En outre, l'ITB rappelle que ce produit a montré une bonne efficacité en 2019, 2021 et 2022, mais s'est révélé insuffisant dans le cas de populations de pucerons très abondantes, comme en 2020.

2. Le spirotétramate : ce second produit phytopharmaceutique a présenté une bonne efficacité en 2019 et 2021. Toutefois, comme pour le flonicamide, son effet n'est pas suffisant pour endiguer une dynamique de pucerons exceptionnelle comme celle de 2020. Pour être utilisé sur betteraves, ce produit fait l’objet d’une dérogation annuelle. Son fabriquant a annoncé qu'il ne demanderait pas le renouvellement de la matière active en Europe après 2024.

3. Le paillage ou mulching : selon l'agence de sécurité sanitaire et alimentaire, cette technique limiterait la capacité des pucerons à identifier visuellement et olfactivement leurs plantes hôtes. Dans des essais au champ, le paillage a permis de réduire significativement les infestations de Myzus persicae sur chou kale (-75 % à -83 %, Silva-Filho et al. 2014) et sur pomme de terre (-20 %, Dupuis et al. 2017), conduisant à une diminution de l’incidence du virus PVY (-50 % à -70 %, Kirchner et al 2014). En outre, en production de plantes à fleurs horticoles, le paillage réduit partiellement le taux d’infection des plantes au TBV virus (Wilson 1999).

Toutefois, les auteurs de la publication de Kirchner et al. 2014 recommandent d’employer de la paille pour des pressions relativement faibles en virus et la publication de Dupuis et al. (2017) insiste sur la variabilité de l’efficacité de la paille. Les deux publications mentionnées ci-dessus indiquent des apports d’au minimum 2,5t/ha pour espérer voir un effet.

4. La fertilisation organique : Deux solutions sont proposées dans le rapport : réduire les apports d’azote et changer les formes d’azote. Une diminution de la fertilisation azotée baisserait l’appétence des pucerons. L’ITB a testé en 2022, en conditions contrôlées sous serre et avec différents modes d’application, les effets d’un principe actif à base de lombricompost. Si, dans certaines des modalités testées un effet de ce produit sur la vitesse d’augmentation des populations des pucerons a pu être constaté, la dynamique exponentielle de multiplication des pucerons n’a pas pu être suffisamment contrôlée et au bout de 28 jours entre 210 et 390 pucerons étaient dénombrés sur chaque betterave. Concernant la forme d'azote, l'efficacité du lombricompost serait de 60 % sur la réduction des populations de pucerons. Les publications citées font référence à des essais en pots sur d'autres cultures, difficilement transposables à la betterave sucrière au champ. Deux principales limites sont identifiables à ce stade :

  • les proportions de lombricomposts relativement au volume de terre sont très importantes pour certains essais, réalisés sous serre, ce qui n’est pas réplicable au champ,
  • la disponibilité, et le coût des lombricomposts peuvent probablement être un frein important.

Dans les faits, les solutions culturales identifiées comme disponibles à court terme doivent être validées sur betterave. L'impact économique pour l'agriculture doit également être approfondi.  

Elles font l'objet d'investigations plus poussées dans le cadre du PNRI.

Les méthodes alternatives proposées à moyen terme

1. Les produits phytopharmaceutiques de synthèse : L'ANSES a identifié dans son rapport 4 produits pouvant constituer des solutions à moyen terme : l'indoxacarbe, l'abamectine, le benzoate d’émamectine et le cyantraniliprole.

L'indoxacarbe, l'abamectine et le benzoate d’émamectine n'ont pas été testés par l'ITB sur pucerons (ils l'ont en revanche été sur d'autres bio-agresseurs) car leurs fabricants ne les jugent pas efficaces sur Myzus persicae. L'abamectine est en cours de renouvellement au niveau européen. A ce jour, seul un renouvellement pour des usages sous serre est envisagé. Le vote est prévu au plus tard le 30 avril 2023.

Enfin, le cyantraniliprole, bien que n'ayant pas montré d’efficacité contre M. persicae sur colza en traitement de semences lors de tests en plein champ (Conrad et al., Barry et al. 2014), est en cours d'évaluation par l'ITB (première année : 2021).

2. Les produits de biocontrôle : 3 produits naturels sont identifiés dans le rapport de l'ANSES comme prometteurs à moyen terme : l'huile essentielle d’orange, l'azadirachtine et le spinosad. 

L'huile essentielle d’orange est testée par l’ITB dans le cadre du PNRI. Les résultats obtenus sont contrastés d’un site à l’autre. Le produit ne peut être conseillé aux agriculteurs à ce stade.

L'azadirachtine est évaluée par l'ITB depuis 2019 avec des résultats peu encourageants.

Enfin, la firme commercialisant le Spinosad ne souhaite pas demander son homologation contre les pucerons en raison d’un manque d’efficacité. L’ITB ne teste cette matière active que sur teignes.

3. Les micro-organismes : Beauveria bassiana et Lecanicillium muscarium sont identifiées comme des solutions porteuses par l'ANSES.

Le premier, Beauveria bassiana, a été testé dans 2 essais en 2020 (projet ABCD), sans que l'ITB ne constate de différence avec le témoin non traité, et ce malgré des applications hebdomadaires du micro-organisme.

Le second, Lecanicillium muscarium a été également évalué dans le cadre du projet ABCD en 2019 et 2020. Son étude a été approfondie dans le PNRI en 2022. Par rapport au témoin non traité, la modalité ayant bénéficié d'une application hebdomadaire de L. muscarium montre une diminution de populations de pucerons, avec un niveau toutefois moins bon que la référence Teppeki. De plus, les conditions optimales de températures citées dans le rapport de l’ANSES (entre 20 et 30°C, avec une humidité relative de 55 à 90 %) sont peu compatibles avec une utilisation en plein champ à la période d'infestation des pucerons (avril/mai).

4. Les macro-organismes : les 2 propositions de l'ANSES, Aphidius sp. et Chrysoperla carnea, ont fait l'objet de lâchers dans les Fermes pilotes du PNRI pour augmenter le service de régulation par les auxiliaires. Les résultats sont plus prometteurs en 2022 avec toutefois une forte disparité d'efficacité sur la régulation des populations de pucerons entre les sites d'expérimentation. Des analyses sont en cours pour identifier les conditions de réussite afin de permettre la survie et le développement des oeufs ou des larves de chrysopes. Aucun résultat positif n'a été obtenu avec des lâchers d'Aphidius sp

5. Les méthodes "physiques" : il s'agit des huiles minérales ou organiques. Différents types de barrières physiques ont été testés en conditions contrôlées dans le cadre du PNRI. Aucune d'entre-elles n'a montré d'efficacité pour limiter la colonisation des plantes par les pucerons.

6. Les stimulateurs : L'ITB a réalisé des premières expérimentations en 2021 sur l'acibenzolar-S-Méthyl en tant que stimulateur de défense des plantes pour limiter le développement du virus. En 2022, un appel à produit a été envoyé aux firmes pour tester un plus large panel. 8 produits sont en cours d'évaluation en conditions contrôlées pour mesurer les niveaux de transmission virale.

7. Les solutions génétiques : Les obtenteurs ont tous identifié dans leur germplasme des sources de tolérance aux virus qu'ils sont en train d'introgresser dans leur matériel élite. Le niveau de tolérance des variétés actuellement proposées à l'inscription reste limité.

8. Les pratiques culturales : 2 sont identifiées par l'ANSES, les cultures associées et les plantes de service favorables aux auxiliaires. Des essais ont été mis en place dès 2021 dans le réseau des Fermes Pilotes d'Expérimentations du PNRI. Les graminées en plantes compagnes diminuent les populations de pucerons de 35 % en moyenne. Quant aux bandes fleuries, les résultats du projet IAE montrent qu'elles régulent partiellement les populations de pucerons, mais uniquement à proximité immédiate de la bande fleurie.

Toutes les solutions identifiées par l'ANSES sont en cours d'évaluation dans le PNRI. Pour suivre l'avancée des résultats, abonnez-vous à PNRInfo ou consultez la rubrique PNRI de ce site.

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Agrément conseil de l’ITB à l’utilisation des produits phytosanitaires n° 7500002.
Le portail EcophytoPIC recense les techniques alternatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.


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