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Produire de la betterave sans néonicotinoïdes : les progrès du PNRI

L’ITB dresse le bilan des pistes de solutions pour lutter contre la jaunisse issues du Plan National de Recherche et Innovation (PNRI). Le maître mot pour 2024 : la combinaison de leviers et la prise en compte du risque.

Au terme des 3 années de recherches et d’expérimentations du PNRI, de nombreux enseignements concernant les pucerons, leurs virus et les jaunisses permettent de mieux se projeter. Plusieurs leviers de lutte ont été identifiés, certains utilisables dès 2024, d’autres attendus dans les 3 prochaines années. A ce jour, la quantification de l'effet prophylactique de la gestion des réservoirs viraux reste à établir. Les autres solutions individuelles les plus prometteuses permettent de réduire la jaunisse de 30 à 50 %. Ces résultats restent variables en fonction des essais, et nécessitent notamment d’affiner certains itinéraires techniques. Combiner ces leviers, en fonction du risque de l’année, de la situation et de l’historique de pression jaunisse de chaque parcelle, permettrait de définir une stratégie de lutte optimale contre les jaunisses et les pucerons.

 

La combinaison des leviers repose sur 4 objectifs :

 

  • La réduction des réservoirs viraux,
  • La maximisation de la régulation biologique,
  • L’augmentation de la résistance / tolérance aux virus,
  • La réduction de la présence de pucerons.

 

À terme, des modèles de prévision de risque guideront les agriculteurs pour choisir le ou les leviers à mettre en place afin d’intervenir le plus efficacement possible.

 

Le modèle développé dans le projet GRECOS a permis de calculer sur une longue période (1950-2100) l’impact qu’aurait eu la jaunisse sur le rendement de la betterave cultivée sans néonicotinoïdes. Il intègre les connaissances disponibles dans la littérature scientifique, complétées par les résultats du PNRI : prévision des dynamiques des vols de pucerons et de leur abondance (projet SEPIM), perte de rendement par virus selon la date de contamination (projet PROVIBE) afin de préfigurer un outil de gestion du risque jaunisse pour la filière. La description de ce modèle a fait l’objet d’une publication scientifique : https://hal.science/hal-04214465.

 

Récemment, les premiers résultats des solutions techniques testées dans les Fermes pilotes du PNRI ont été introduits. L’étude prend en compte le coût intrinsèque des solutions ainsi que la réduction de l’abondance des pucerons et de la jaunisse qui modifient l’évaluation des pertes interannuelles (fréquence et distribution des pertes, en prenant en compte les scénarios du climat futur).

 

Réduire les réservoirs viraux

 

Les réservoirs viraux sont des plantes qui hébergent les virus de la betterave en dehors de sa période de culture. Les pucerons viennent s’y alimenter avant de coloniser les parcelles au printemps.

 

La difficulté consiste à identifier les plantes réservoirs. Toute forme de betterave qui passe l'hiver présente un risque (repousses dans les cordons de déterrage ou dans la culture suivante). Dans le département d’Eure-et-Loir avec une cohabitation entre des betteraves porte-graines et des betteraves racine, le chevauchement entre les deux cultures et leur présence sur toute l’année ne permettent pas d’avoir une période exempte de réservoirs viraux. Un plan d’actions est en cours d’élaboration pour permettre à chacune des 2 filières de coexister en minimisant le risque. Pour avoir un effet significatif, la gestion des réservoirs viraux doit être l’affaire de tous.

 

 

Réduire la présence de pucerons

 

Afin de réduire l’atterrissage de pucerons sur la parcelle, il est possible de mettre en place des éléments perturbateurs : les plantes compagnes et les produits de biocontrôle. Une fois que les pucerons ont colonisé la parcelle, les solutions curatives aphicides sont indispensables, que ce soient des produits conventionnels ou des produits de biocontrôle. Ces derniers sont attendus dans les prochaines années, le temps qu’ils soient homologués.

 

Les plantes compagnes

 

Les plantes compagnes possèdent deux modes d’actions : d’une part, elles masquent les betteraves et diminuent le contraste avec le sol, ce qui perturbe la colonisation des pucerons ; d’autre part, elles perturbent leur comportement alimentaire. Leur semis est à réaliser au même moment que celui des betteraves, à une densité de 75 grains/m2 pour les graminées. Les plantes compagnes doivent être détruites au stade 4 feuilles des betteraves : cela permet de limiter le risque de perte de rendement qui résulte de la concurrence entre les plantes compagnes et les betteraves. Les plantes compagnes sont semées en plein et nécessitent une destruction chimique. Elles sont parfois semées dans l’inter-rang afin de rendre possible la destruction mécanique. Les résultats les plus prometteurs concernent l’avoine et l’orge de printemps, avec une réduction moyenne des pucerons verts aptères de 36 % pour l’avoine et 33 % pour l’orge de printemps. La réduction moyenne des symptômes de jaunisse est de 43 % pour l’avoine et 35 % pour l’orge de printemps.

 

 

Les produits de biocontrôle

 

Les allomones développées en betteraves sont des parfums naturels de plantes qui brouillent les informations perçues par le puceron et perturbent son développement, avec une triple action de bio-régulation : un effet répulsif, une réduction de la reproduction, et une perturbation de l’alimentation. Ces allomones prennent la forme de granulés épandus en préventif, à l’aide d’un épandeur centrifuge. Concernant les résultats, une réduction de 50 % des populations de pucerons à J14 a été observée. La mesure d’efficacité sera approfondie en 2024, pour espérer une utilisation par les agriculteurs dans les prochaines années.

 

L’utilisation de Lecanicillium muscarium, un champignon entomopathogène, permet une réduction de 45 % de pucerons dans les 14 jours qui suivent l'application, en comparaison avec une modalité non traitée sur la période 2019-2022. La variabilité entre les essais est néanmoins importante et les conditions de développement du champignon sont en cours d'étude. Cette solution n’est actuellement pas homologuée sur betterave.

 

 

Augmenter la résistance/tolérance aux virus

 

L’augmentation de la résistance et/ou tolérance aux virus fait appel à la génétique, et plus particulièrement à la recherche variétale. L’objectif est de sélectionner des variétés capables de maintenir le rendement en situation de forte pression de jaunisse, mais également de comprendre le lien entre l’évolution de la charge virale et le développement des symptômes de la jaunisse.

 

Dans le cadre du PNRI, l’exploration de la génétique occupe une place particulière. C’est sans doute le levier qui suscite le plus d’espoirs. Élevages de pucerons maitrisés, inoculations aux champs ou encore mise au point d’une méthode moléculaire pour identifier tous les virus dans une même analyse : des travaux sont réalisés à la fois au laboratoire et au champ. Au cours de ces trois années, 1 100 hybrides en cours de sélection ont été semés dans 61 400 micro-parcelles, 47 000 betteraves ont été inoculées, et 500 000 pucerons virulifères ont été produits en 2023. Le progrès sera continu d’année en année jusqu’à ce que des variétés puissent être qualifiées de tolérantes.

 

Maximiser la régulation biologique par les auxiliaires

 

Les auxiliaires sont très utiles dans la régulation biologique des pucerons : ils s’en nourrissent, ce qui réduit considérablement les populations de pucerons et les risques associés. Malheureusement, sur betterave, ils ne commencent à être observés que 6 semaines après l’arrivée des pucerons, ce qui est trop tard pour empêcher la transmission et la dispersion des virus responsables de la jaunisse. L’objectif est donc de permettre leur installation plus tôt, soit directement par des lâchers d’auxiliaires, soit par l'implantation de bandes fleuries ou l'application de phéromones pour les attirer.

 

Les lâchers d'auxiliaires

 

Plusieurs lâchers d’auxiliaires ont été testés durant le PNRI, en particulier l’utilisation d’œufs et de larves de chrysopes. Une larve de chrysope mange plusieurs centaines de pucerons au cours de sa croissance, ce qui représente un réel intérêt sur une parcelle. Les lâchers ont été réalisés à une densité de 4 à 5 larves/m2 ou de 40 œufs/m2. Une réduction des populations de pucerons est observée sur la moitié des essais. Des lâchers d’Aphidius, un parasitoïde qui pond dans les pucerons, tués dans le processus, ont également été évalués mais les résultats sont peu prometteurs. Les résultats de ces lâchers d’auxiliaires sont très hétérogènes : l’efficacité reste à confirmer, les techniques d’application sont à affiner et le coût doit être maitrisé.

 

Les bandes fleuries

 

 

Les bandes fleuries permettent de favoriser la diversité biologique, en facilitant notamment la présence de syrphes, chrysopes, coccinelles ou parasitoïdes.

L’objectif est de fournir des ressources alimentaires à ces insectes afin de les attirer plus tôt en saison, et en plus grand nombre.  Les bandes fleuries sont à semer vers septembre, en bordure de parcelle. Avec ce levier, une diminution de 16 % des populations de pucerons a été observée. Attention toutefois, cet effet s’estompe entre 5 et 50 m.

 

 

Les phéromones

 

Les phéromones travaillées dans le PNRI sont des composés volatils possédant un pouvoir attractif pour les auxiliaires, ce qui permet indirectement de réduire les populations de pucerons. Ces phéromones prennent la forme d’une solution liquide applicable au pulvérisateur. Trop peu de résultats sont exploitables pour le moment.

 

 

 

 

 

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