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Des éléments de réponse concernant le rôle d’Aphis fabae dans la dispersion virale de la jaunisse

ITB Pôle du Griffon · ITB National ·

De début mai à fin juin, l’ITB réalise chaque semaine des comptages de pucerons verts et noirs sous des tunnels expérimentaux dans l’Aisne. L’objectif est d’approfondir les connaissances sur les dynamiques de dispersion du puceron vert et du puceron noir, ensemble et séparément, en présence des virus BYV ou BChV. Dans le cadre de son stage de Master 1 à l’ITB, Mathis Carrasco étudie le rôle d’Aphis fabae dans la dissémination des virus de la jaunisse. Il vous présente ici son travail.

Le puceron noir, un vecteur viral passant sous les radars ?

 

L’année 2025 avec une forte présence de pucerons noirs interroge sur son rôle dans la dispersion de la jaunisse. En effet, bien que le puceron vert du pêcher Myzus persicae soit reconnu comme le principal vecteur de virus de la jaunisse, la question du rôle d’Aphis fabae dans la transmission et la dispersion des phytovirus revient sur la table. Concernant sa capacité de transmission, plusieurs études de la littérature scientifique indiquent que sa capacité de transmission des polérovirus (BChV, BMYV) est quasi nulle, avec 1,1 % de transmission de BMYV dans l’étude de (Schliephake et al., 2000), voire nulle (Kozlowska-Makulska et al., 2009).

 

En revanche, la situation est assez différente en ce qui concerne la jaunisse grave, avec un taux de transmission du BYV non négligeable de 34 %. La capacité de transmission reste très supérieure pour Myzus persicae avec un taux de transmission de 60 % (Limburg et al. 1997).

 

Aucune étude n'a traité des interactions possibles entre les deux espèces de pucerons. Faut-il adapter les conseils de traitement lorsque Myzus et Aphis sont observés dans un même champ ? Dans le cadre du projet Redivibe s’inscrivant dans le Plan National de Recherche et Innovation Consolidé (PNRI-C), l’ITB souhaite répondre à cette question en évaluant l’impact de la présence du puceron noir sur la dispersion de la jaunisse.

 

Description de l’expérimentation

 

Deux facteurs sont étudiés : 

 

  • L’espèce de pucerons : Myzus persicae seul, Aphis fabae seul ou les deux simultanément 
  • Le virus présent : soit le virus de la jaunisse modérée BChV transmis uniquement par Myzus, soit le virus de la jaunisse grave BYV transmis à la fois par Myzus et par Aphis

 

En 2024, une première expérimentation a été mise en place. Elle a été reconduite en 2025, en analysant non seulement la dispersion des symptômes comme en 2024 mais également celle des pucerons.

 

L’expérimentation 2025 est menée au sein de deux tunnels indépendants, un pour l’étude du virus BYV et l’autre pour le virus BChV. Chacun des tunnels a reçu un apport de pucerons sains qui ont été déposés sur les feuilles d’une betterave source préalablement infectée (vérification par tests Elisa), placée au centre de chaque micro-parcelle. Différentes modalités sont testées : certaines micro-parcelles recevant sur leur betterave source uniquement des pucerons noirs, d’autres seulement des pucerons verts et le reste, des pucerons des deux espèces simultanément. Chaque semaine, les effectifs sont comptabilisés sur 16 betteraves repérées (voir photo de l’unité expérimentale). De plus, le degré de gravité de la jaunisse est noté en observant les symptômes foliaires. Des tests Elisa permettent de s’assurer de la présence des virus après les comptages.

 

 

Photo d'une micro-parcelle : à côté du jalon rouge, la betterave source (plante infectée recevant des pucerons non virulifères) disposée dans un pot et autour les betteraves numérotées et disposées en rangs circulaires à différentes distances de la betterave source.

 

Quelques premiers résultats

 

Les données des comptages de pucerons ne sont pas encore exploitables pour 2025. Cependant une analyse statistique sur symptômes a été réalisée sur les données de l’essai 2024.

 

 

Figure 1 : Distribution du degré de gravité des symptômes foliaires de jaunisse sur les betteraves selon les espèces de pucerons présentes et le type de virus étudié (BYV ou BChV), lors du dernier comptage (J47 après le dépôt des pucerons). La ligne noire représente la valeur médiane et la moyenne est donnée par le losange noir. La gravité des symptômes est mesurée sur une échelle de 0 à 10. Des lettres différentes suggèrent des différences significatives entre les groupes, p-value < 0,05 (Test de Tukey-post Anova). 

 

Les résultats de la figure 1 montrent les différences entre les distributions de gravité de symptômes par plante pour chaque modalité. D’abord, que ce soit pour le BYV ou le BChV, le puceron noir est celui qui cause significativement le moins de symptômes de jaunisse. Pour le BChV, on aurait pu s’attendre à une absence de symptômes puisque le puceron noir n’est pas censé être vecteur du BChV. Il faut noter que les tests Elisa avaient montré des traces de BYV dans les plantes symptomatiques du tunnel BChV, sans doute à cause d’une contamination mal contrôlée. Cela pourrait expliquer des valeurs surévaluées pour cette modalité. Par ailleurs, nous observons que le puceron vert transmet aussi bien les deux virus. En présence de BChV, la modalité avec la présence simultanée d’Aphis fabae et Myzus persicae n’induit pas une augmentation de l’intensité des symptômes par rapport à la modalité où Myzus est seul. Cependant, lorsque les deux espèces sont présentes ensemble et dans le cas du BYV, la gravité des symptômes observés est significativement plus élevée que dans les modalités avec chaque espèce seule. Ce résultat met en évidence la capacité d’Aphis fabae à faciliter la transmission du BYV lorsque Myzus est également présent. L’expérimentation de 2025 doit valider ce résultat.

 

Conclusion

 

En se basant sur les résultats de 2024, le puceron noir seul ne semble pas être virulent dans la transmission du BYV et du BChV mais en présence du puceron vert il induit une propagation virale plus importante du BYV. Cette observation suggère des interactions potentielles entre les deux espèces, bien que la nature exacte de ces interactions, qu’il s’agisse de compétition ou de facilitation, reste à identifier. L’essai de 2025 intégrant une analyse plus fine avec des comptages hebdomadaires de pucerons permettra potentiellement de mettre en évidence des comportements d’évitement ou au contraire de cohabitation entre les deux espèces.

 

Références bibliographiques :

 

Schliephake, E & Graichen, K & Rabenstein, F, Frank. (1999). Investigations on the vector transmission of the Beet mild yellowing virus (BMYV) and the Turnip yellows virus (TuYV). Journal of Plant Diseases and Protection. 107. 81-87.

 

Kozłowska-Makulska, A., Beuve, M., Syller, J. et al. Aphid transmissibility of different European beet polerovirus isolates. Eur J Plant Pathol 125, 337–341 (2009)

 

Limburg, D. D., Mauk, P. A. & Godfrey, L. D. Characteristics of Beet Yellows Closterovirus Transmission to Sugar Beets by Aphis fabae. Phytopathology 87, 766–771 (1997)

 

Merci à Mathis pour son travail !

 

 

 

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