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Identification des espèces de pucerons sur betterave de 2022 à 2024

ITB National ·

Pour améliorer la connaissance du complexe de pucerons vecteurs de la jaunisse, l’ITB a identifié les espèces capturées sur quatre parcelles en 2022, 2023 et 2024. Myzus persicae est majoritaire en 2023 et 2024, tandis que Aphis fabae l’était en 2022.

 

 Article rédigé par Lorene Demaegt, étudiante à Aproparistech qui a effectué son stage de 2ème année au siège parisien de l’ITB.

 

Dans le cadre du projet Modefy « Monitoring and Defence against Yellow virus », l’ITB met en place des suivis en région Île-de-France pour mieux connaître les pucerons responsables de la transmission de la jaunisse. L’identification des espèces de pucerons sur betteraves et celles capturées en bacs jaunes a été réalisée sur quatre parcelles par année de suivi, de 2022 à 2024.

 

Matériel et méthode 

 

Les suivis parcellaires sont effectués à travers deux méthodes :

 

  • le comptage direct au champ des pucerons aptères et ailés, c’est- à-dire que l’expérimentateur compte et prélève pour identifier les pucerons sur 30 betteraves sucrières par parcelle.
  • le relevé des pucerons capturés dans un bac jaune, une cuvette dont la couleur attire les insectes volants qui s’y font piéger par la présence d’eau au fond, pendant les 7 jours précédant le relevé.

 

Ces suivis sont réalisés tous les 7 jours de début mai à mi-juin, soit la période d’infestation de la culture par les pucerons.

 

Les espèces de pucerons sont identifiées à la loupe binoculaire, en utilisant les critères morphologiques décrits sur Encyclopaphid ou dans une clé d’identification.

 

Cet article présente les données issues des suivis réalisés sur 4 parcelles, en Seine-et-Marne, en 2022, 2023 et 2024. 

 

Résultats 

 

Pression puceron annuelle sur la période 2022-2024   

 

 


 

 

 

 

Figure 1 : Nombre de pucerons total (sur les 4 parcelles observées) relevés dans les bacs jaunes et sur betteraves sur la période du 02/05 au 02/06 en 2022, 2023 et 2024. 

 

Les effectifs de pucerons sont très différents selon l’année. Pour les 2 variables de comptage considérées (pucerons sur betteraves et pucerons capturés en bac jaune), les relevés réalisés en 2024 comptent 12 fois moins de pucerons qu’en 2022 et 4 fois moins de pucerons qu’en 2023. 

 

Identification des espèces de pucerons dans les bacs jaune, et sur betterave sucrière

 

 

Figure 2 : Fréquence des espèces de pucerons capturés en bac jaune en 2019, 2022, 2023 et 2024

 

 


 

 

 

 

Figure 3 : Fréquence des espèces de pucerons identifiés sur betteraves en 2022-2023-2024

 

L’espèce majoritairement observée est la même, que ce soit en bac jaune ou sur les betteraves (figure 2, figure 3). On remarque cependant une plus grande diversité d’espèces de pucerons capturés en bac jaune. Des espèces de pucerons ne se développant pas sur betterave sont ponctuellement détectées (Brachycaudus helichrysi, …). Myzus ascalonicus est très proche morphologiquement de Myzus persicae, une confusion dans l’identification est donc possible.

 

Sur 3 des 4 années considérées (2019, 2023 et 2024), l’espèce majoritaire retrouvée au champ est Myzus persicae mais en proportions différentes selon l’année. C’est seulement en 2022 que l’espèce Aphis fabae est plus représentée au champ que M. persicae.   

 

Ainsi en 2024, Myzus persicae est l’espèce majoritaire, mais sa présence est moins marquée qu’en 2023 où 90 % des pucerons capturés en bac jaune étaient des Myzus persicae (contre 74 % en 2024) et représentait 85 % des pucerons identifiés sur betteraves (contre 54,5 % en 2024). Cela s’explique en partie par une proportion d’Aphis fabae plus importante cette année (9 % en bac jaune et 45,5 % sur betterave). 

 

 

Figure 4 : Comparaison de la répartition des espèces de pucerons entre 4 communes sur 2023 et 2024 

 

Les parcelles étant toutes les 4 situées en Seine-et-Marne, la répartition des espèces est assez similaire. 

 

Discussion et conclusion 

 

Les fortes différences annuelles d’effectifs observées peuvent être mises en relation avec les conditions météorologiques. Certaines années, comme l’année 2020 ont montré qu’une forte pression en pucerons pouvait s’expliquer par un hiver doux qui favorise la survie des adultes, issus de la phase asexuée, sur leurs hôtes secondaires . Cependant, cette hypothèse ne peut expliquer à elle seule les différences annuelles observées ici, car l’année 2024 avec la plus faible pression en pucerons sur ces 3 dernières années est aussi celle présentant une température moyenne hivernale (janvier et février) la plus élevée (6,7 °C contre 5,6 °C et 5,9 °C en 2022 et 2023 respectivement ). Certaines études éclairent ce paradoxe en montrant que de douces températures hivernales sont surtout corrélées à l’apparition précoce des premiers vols davantage qu’à l’effectif de la population au printemps . Cet effectif, variable observée ici serait plutôt lié au taux de précipitations printanières. En effet, les précipitations diminuent le vol des pucerons en limitant leur décollage, en facilitant le développement de champignons entomopathogènes et en noyant les pucerons. Ainsi, les fortes précipitations printanières, qui sont presque 3 fois plus importantes qu’en 2022 (177 mm d’eau tombée lors des mois d’avril et mai 2024 contre 64 mm en 2022 sur la même période ) pourraient expliquer les faibles effectifs de pucerons observés en 2024. 

 

Bien que l’identification sur betterave et bac jaune permettent tous deux d’identifier correctement l’espèce majoritaire de l’année en question, que ce soit Aphis fabae ou Myzus persicae, d’autres espèces sont capturées en bac jaune. La présence de Macrosiphum euphorbiae et Myzus ascalonicus, des espèces secondaires identifiées comme vectrices de la jaunisse de la betterave , laisse penser que le bac jaune permet de détecter plus finement les espèces minoritaires de ravageurs. Cependant, la présence de Cavariella aegopodi et Brachycaudus helichrysi en 2022, des espèces que l’on ne retrouve pas sur betterave , montre que le bac jaune peut aussi détecter des individus non nuisibles à la betterave. Il est donc nécessaire de valider les données bac jaune avec les données sur betterave pour s’assurer que les espèces retrouvées s’alimentent réellement sur betterave et sont ainsi vectrice. 

 

Sur trois des quatre années considérées (2019, 2023 et 2024), l’espèce majoritaire est bien celle attendue : Myzus persicae. En effet, les études scientifiques concordent pour décrire Myzus persicae comme l’espèce principale responsable de la jaunisse, car il apparait être le vecteur le plus efficace des 4 différents virus. La transmission des polérovirus par ce puceron s’effectue à des taux compris entre 28 et 100 % et entre 51 et 73 % pour le BYV , une fréquence de transmission bien plus élevée que celle par Aphis fabae d’après des tests en serre . De plus, Myzus persicae apparait aussi comme un vecteur plus efficace au champ, car il est capable de se déplacer de plantes en plantes et d’y déposer 1 ou 2 larves à chaque fois. Au contraire une femelle Aphis fabae ne peut plus voler sur d’autres betteraves après avoir produit une nouvelle génération, ce qui limite la dissémination virale au champ6 . Cela est en accord avec les résultats de l’année 2022 où A. fabae était l’espèce largement majoritaire sur feuilles de betterave (97 %) en raison de ses importantes colonies alors qu’en bac jaune il ne représentait que 41 % des individus. Aphis fabae est considéré comme un vecteur effectif seulement pour le BYV et le BtMV.

 

À ce jour, il est difficile de trouver dans la littérature des études expliquant la prédominance d’une espèce sur l’autre selon les années. En effet, les facteurs utilisés actuellement dans la prévision de la pression puceron, tels que la météo hivernale ou la présence de réservoirs viraux, s’appliquent aussi bien à la population d’A. fabae qu’à celle de M. persicae

 

Références

 

i. Buchard, « Formation “Identification de pucerons en culture de betterave” », 24 février 2022.

 

ii. Monteiro, « Les jaunisses virales et leurs pucerons vecteurs », ITB, consulté le 3 juillet 2024, www.itbfr.org/publications/fiches-bioagresseurs/les-jaunisses-virales-et-leurs-pucerons-vecteurs/.

 

iii. « Climatologie de l’année 2020 à Melun - Villaroche - Infoclimat ». 2024. 7 août 2024. www.infoclimat.fr/climatologie/annee/2020/melun-villaroche/valeurs/07153.html.

 

vi. Cocu, N., R. Harrington, M. D. A. Rounsevell, S. P. Worner, M. Hullé, et the EXAMINE project participants. 2005. « Geographical Location, Climate and Land Use Influences on the Phenology and Numbers of the Aphid, Myzus Persicae, in Europe: Environmental Influences on Aphid Distribution ». Journal of Biogeography 32 (4): 615‑32. doi.org/10.1111/j.1365-2699.2005.01190.x

 

v. « Climatologie de l’année 2020 à Melun - Villaroche - Infoclimat ». 2024. 7 août 2024. www.infoclimat.fr/climatologie/annee/2020/melun-villaroche/valeurs/07153.html.

 

vi. E. Turpeau-Ait Ighil, C. Dedryver, B. Chaubet, M. Hullé, « Les pucerons des grandes cultures ».

 

vii. E. Turpeau-Ait Ighil, C. Dedryver, B. Chaubet, M. Hullé., « Les pucerons des grandes cultures ».

 

viii. Monteiro, « Les jaunisses virales et leurs pucerons vecteurs », ITB, consulté le 3 juillet 2024, www.itbfr.org/publications/fiches-bioagresseurs/les-jaunisses-virales-et-leurs-pucerons-vecteurs/.

 

ix. IIRB Pests and Diseases Study Group. 1988. Virus Yellows Monograph. A synopsis of the research carried out on Beet Yellowing Viruses and their Vectors in Europe.

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