Les outils d’aide à la décision sont classiquement mobilisés pour répondre aux enjeux de la gestion des risques sanitaires touchant l’agriculture. Idéalement, de tels outils pourraient être développés pour différents acteurs aux préoccupations et champs d’action divers. En schématisant, des outils d’aide à la décision multiples pourraient en effet cibler (i) les gestionnaires des risques à un niveau macroscopique pour les questions de règlementation, (ii) les agriculteurs dans la mise en place des interventions préventives et la conduite technique des cultures, (iii) les instituts techniques, les représentants des filières de production, les groupes agro-alimentaires et les assureurs sur les questions d’anticipation des stress sanitaires et des rendements, (iv) les assureurs nécessitant des évaluations a posteriori des dégâts dus aux bioagresseurs, ou encore (v) les instituts techniques et les équipes de recherche pour la planification d’expérimentations dans une optique de développement d’innovations et de leur mise à l’épreuve.
Les outils d’aide à la décision reposent sur diverses approches d’analyse de données et de modélisation et fournissent une information interprétable et mobilisable par les acteurs ciblés. Ceci dit, développer de tels outils dans le cadre de grands bassins de production agricoles (typiquement les aires de production de la betterave sucrière) est un véritable défi. En effet, ces bassins sont exposés à des conditions biotiques et abiotiques spatialement et temporellement hétérogènes, ils interagissent avec différents milieux anthropisés et naturels, les dynamiques qui y opèrent sont influencées par une multitude de choix portés notamment par les agriculteurs (variétés, mesures prophylactiques, traitements…). Ainsi, si l’on part du principe qu’on ne dispose pas d’une solution miracle traitant le problème de manière uniforme et pérenne quelles que soient les conditions, il est essentiel de collecter des données et de développer des modèles qui permettront de fournir des informations adaptées à chaque contexte (parmi un très grand nombre de contextes) et dans des intervalles de temps adéquats à la mise en œuvre des mesures visant à réduire les risques de pertes de récoltes.
Prenons le cas des jaunisses de la betterave, les seules données de surveillance prélevées au mieux dans quelques centaines de parcelles, en dépit de leur intérêt incontestable, n’offrent une vue que très partielle, voire biaisée, de la situation sanitaire et de sa variabilité en temps et en espace. Une parcelle distante de quelques vingt kilomètres du point de surveillance le plus proche, située dans un contexte environnemental particulier, ne peut être que marginalement « caractérisée » par les données de surveillance. Ceci dit, ces données de surveillance peuvent être associées à d’autres données relatives à la météorologie, l’usage des sols, les connectivités inter-parcellaires, la faune, la flore, etc., pour être intégrées dans des modèles dédiés ayant pour objectif de prédire le risque jaunisse (i) à haute résolution, (ii) dans des systèmes complexes et de grande dimension tels que les territoires agricoles betteraviers, (iii) à des horizons temporels plus ou moins éloignés, (iv) avec comme finalité d’accompagner différents acteurs dans leurs processus de décisions (gestionnaires des risques à un niveau macroscopique, agriculteurs, filières, assureurs, etc.). En outre, l’intérêt d’une telle approche reposant sur des données hétérogènes, tient en ce qu’elle mobilise des sources d’information dont les coûts réels n’ont pas à être assumés par les agriculteurs et les autres acteurs de la filière. C’est dans cette optique que le projet SEPIM du PNRI a été conçu et mené. L’exposé sera l’occasion de décrire les avancées réalisées et les perspectives envisagées.