Article co-écrit par Gaëlle Van Frank, Olivier Therond et Aude Vialatte (INRAE)
Le projet Modélisation Paysagère visait à développer un modèle de simulation permettant d’explorer des scénarios contrastés de gestion de paysages agricoles afin d’identifier les stratégies présentant le meilleur potentiel de régulation naturelle du puceron vert, vecteur des virus de la jaunisse de la betterave. L’exploration des effets des facteurs paysagers (diversification des cultures, implantation d’infrastructures agroécologiques, réduction de la taille des parcelles) ainsi que des pratiques agricoles permettra de mettre en lumière des leviers intéressants à mobiliser pour réduire la pression de jaunisse sur betterave. D’un côté, la diversification spatio-temporelle des cultures et les habitats semi-naturels favorise les auxiliaires des cultures, augmentant le potentiel de prédation et de parasitisme. De l’autre, cette diversification induit une réduction et une plus grande dispersion des ressources pour les pucerons, limitant les risques de pullulation. En plus d’intégrer les connaissances existantes sur le système modélisé, la modélisation permet de tester des combinaisons de leviers là où il est difficile d’envisager des expérimentations in situ.
Notre modèle SimBAL représente, à un pas de temps journalier et sur plusieurs années, les dynamiques de population des pucerons, l’activité de régulation naturelle des auxiliaires, la transmission des virus de la jaunisse entre puceron et plante de betterave ainsi que les pratiques agricoles (traitement pesticide, date de semis). La plupart de ces processus sont soumis aux conditions météorologiques. Les paysages représentés, très finement, peuvent être réels ou fictifs, le modèle étant alimenté par des couches vecteur comme le Registre Parcellaire Graphique et la BDTOPO ®.
Principales composantes du modèle de simulation dynamique des relations paysages, pratiques agricoles, pucerons, ennemis naturels, jaunisse de la betterave.
Les sorties des simulations permettent d’évaluer l’efficacité potentielle des scénarios testés. Elles concernent, par exemple, l’incidence de la jaunisse (proportion de plantes infectées), la quantité de pucerons présents sur les plantes de betterave et sur le paysage pendant la saison de culture, et l’efficacité du biocontrôle par les ennemis naturels (proportion de pucerons contrôlés).
L’analyse de sensibilité du modèle a permis d’identifier les verrous de connaissance à lever en priorité pour améliorer la fiabilité de celui-ci (par exemple les dynamiques de dispersion des pucerons en sortie d’hivernation ou encore l’activité des ennemis naturels). L’exploration de scénarios testant la mise en œuvre de différents leviers, seuls ou en combinaison, permettra d’identifier les pistes privilégiées de trajectoires de transition vers des paysages agroécologiques s’appuyant sur les régulations naturelles pour le contrôle des ravageurs plutôt que sur l’utilisation de produits pesticides. Le modèle et ses sorties peuvent être mobilisés pour accompagner la conception de politiques publiques et la gestion collective des paysages agricoles.
Illustration des dynamiques simulées par le modèle (simulation débutant au 1er janvier 2019, capture d’écran au 24 mai 2020) : à gauche, nombre moyen de pucerons au m² sur colza (réservoir de M. persicae pendant l’hiver) et sur betterave selon la présence d’ennemis naturels actifs ; à droite taux d’infection moyen par cellule de parcelle de betterave et illustration de l’évolution de la composition du paysage au cours du temps.