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Nématode à kystes

Le nématode à kystes de la betterave (Heterodera schachtii), est un vers blanchâtre de moins d’1 mm de long se déplaçant dans le sol et se fixant aux racines de betteraves pour s’en nourrir. C’est un endoparasite strict qui a besoin d’une plante hôte pour se reproduire. Il s’agit d’un des ravageurs les plus importants sur betterave, pouvant provoquer des baisses de rendement significatives ainsi qu’une augmentation de la tare terre. L’intensité des infestations est cependant très variable selon les régions. Pour faire face à ce bioagresseur, 16 % des surfaces étaient protégées avec des variétés tolérantes en 2017 (soit environ 77 000 ha), un chiffre qui sera au minimum de 18 % en 2018. Ceci a conduit l’ITB en lien avec l’interprofession à mettre en place un réseau national de surveillance (observatoire de la durabilité) pour évaluer les risques de multiplication du nématode.

Mémento

Heterodera schachtii a été identifié, pour la première fois en 1859 en Allemagne, par le botaniste Hermann Schacht. Cette maladie était alors connue sous le nom de "fatigue des sols" à betteraves, observée dans les zones de culture intensive autour des usines et provoquant des pertes de rendement inexpliquées. Ce n’est qu’en 1871 que Schmidt décrit et nomme ce bioagresseur en l’honneur de Schacht. Le nématode à kystes est présent dans toutes les zones de production betteravières, Europe, Asie, ProcheOrient, États-Unis et Australie. En France, il a été signalé pour la première fois en 1884 par l’agronome Aimé Girard dans la région parisienne, dans le Nord, puis en Seine-et-Marne, dans l’Oise et dans l’Aisne.

Le cycle du nématode à kystes est constitué de quatre stades larvaires et d'un stade adulte tous séparés par une mue. Les éclosions des œufs d'un kyste s'échelonnent sur plusieurs années (les kystes se conservent dans le sol 5 à 6 ans), sous l'influence de la température (16 °C à 28 °C) et des sécrétions radiculaires des plantes hôtes. Lors de l'éclosion, les kystes contiennent le second stade larvaire du nématode. Ces larves filiformes pénètrent dans les racines grâce à leur stylet. En l'absence d'hôte convenable, elles peuvent survivre plusieurs mois dans le sol. Dans la plante, les sécrétions salivaires du parasite provoquent le développement de cellules géantes, lesquelles entravent la circulation de la sève et provoquent la mort des radicelles. La plante réagit en formant de nouvelles radicelles, donnant naissance à un chevelu dense. Après 3 mues, les femelles deviennent ovoïdes et font saillie à l'extérieur de la racine, la tête restant fixée au végétal, le corps empli d'œufs. Le développement entier, depuis la pénétration de la larve jusqu'à la ponte, dure 4 à 8 semaines (en été, cette période peut être réduite à 2 ou 3 semaines). En France, on dénombre 2 à 4 générations par an selon la température.

Heterodera schachtii est apte à se développer sur différentes espèces végétales cultivées (betterave, épinard, choux, colza, céleri, carotte, radis, œillet, saponaire), ainsi que sur des adventices (chénopode, stellaire, arroche). Le tableau suivant présente les principales espèces hôtes d'Heterodera schachtii regroupées par famille botanique, ainsi que leur effet sur la multiplication des populations du nématode.

Symptômes foliaires

Sur le terrain, les symptômes apparaissent sous la forme de foyers limités dans la parcelle, repérables par leur couleur vert pâle, qui s’accroissent au cours de la saison. Les premiers symptômes visibles au niveau du feuillage sont un flétrissement aux heures chaudes de la journée à partir du mois de juin, ainsi qu’une décoloration jaune de l’extrémité des feuilles. Ce jaunissement est dû à une carence magnésienne induite par défaut d’alimentation de la plante lié à une mauvaise efficience du système racinaire. Il est souvent accompagné en fin de saison par des nécroses et dessèchements en bordure de limbe des feuilles externes avec présence de l’Alternaria, un champignon de faiblesse. Dans les cas les plus sévères, la croissance du bouquet foliaire est affectée, ce qui pénalise la couverture du sol et favorise la présence d’adventices, mercuriales et chénopodes en particulier.

 

Ne pas confondre !

  • Le flétrissement du feuillage et la prolifération du chevelu racinaire sont aussi des symptômes de la rhizomanie.
  • La carence magnésienne, qui se traduit par une décoloration jaune du feuillage, peut aussi être due à une réserve du sol en magnésie insuffisante ou à un mauvais enracinement de la plante résultant d’une structure du sol défavorable.

Dans tous les cas, la présence ou non de kystes sur les racines latérales permettra de confirmer ou d’infirmer le diagnostic.

 

Symptômes racinaires

La taille de la racine principale (ou pivot) rétrécit alors que se développe un chevelu de racines latérales. Sur ces radicelles, des kystes de couleur blanche en forme de citron d’un diamètre de 0,5 à 1 mm sont observables. Ils correspondent au stade femelle du cycle de développement du nématode. Une fois fécondées, les femelles produisent jusqu’à 600 œufs au sein des kystes. Arrivés à maturité, ils brunissent, se détachent de la racine, et peuvent se conserver dans le sol pendant 5 à 6 ans.

Utiliser des outils de détermination

Différents outils de détermination sont disponibles sur le site www.itbfr.org :

  • "DIAGBET maladies et ravageurs" est une application qui permet d’identifier les bioagresseurs de la betterave à différents stades de la culture.
  • "BetaGIA" est le guide de gestion intégrée des bioagresseurs de la betterave. Il donne des informations pratiques et synthétiques sur le bioagresseur, son impact sur la culture et sur les moyens de lutte disponibles.

Connaître le risque régional

Heterodera schachtii est très largement répandu dans les zones historiques de culture de betterave sucrière et plus particulièrement autour des sucreries. En 2017, les surfaces touchées par le nématode sont estimées à 35 % dans l’Aisne, 18- 20 % en Champagne, 10-12 % dans le Loiret et dans la Somme, 7-8 % dans l’Oise, 5 % dans le Nord, 3,5 % en Ile-de-France et 2 % en Normandie. En absence de toute gestion, le rendement peut être inférieur de 30 à 40 % à celui de la moyenne régionale, voire de 60 % au sein des foyers d'infestation en cas d’attaque très précoce.

Identifier les milieux et les pratiques à risque

Milieux à risque

  • Les sols sableux facilitent l’éclosion des larves par rapport aux sols argileux de par leur capacité à absorber la chaleur et ainsi à favoriser le cycle de développement du nématode.
  • Les défauts de fertilité ou de structure du sol.
  • Les parcelles proches d’un outil industriel sucrier passé ou présent (râperie, distillerie, sucrerie) ou d’un secteur d’épandage d’industrie agro-alimentaire (IAA).

Pratiques à risque

  • Une rotation inférieure à 4 ans entre betteraves et/ou colza.
  • Les épandages de déchets de betteraves, ainsi que de boues ou d’eaux de lavage d’IAA contribuent de manière importante à la dissémination du nématode sous forme de kystes. Ceux-ci peuvent être également dispersés par les chantiers de récolte et par le bétail dans une moindre mesure.
  • L’irrigation dans le sens où les parcelles irriguées expriment plus vite les attaques de nématodes.
  • Les semis tardifs, qui vont maximiser l’effet sur le rendement.

Réagir

À ce jour aucune lutte chimique n’est homologuée, en betteraves, sur ce ravageur. Cependant, dès le constat d’une primo infestation par les nématodes dans la parcelle (quelle qu’en soit l’importance), la lutte agronomique à l’échelle de l’ensemble de la rotation doit être entreprise afin de limiter les attaques ultérieures. Celle-ci passe notamment par l’implantation d’une variété tolérante rhizomanie-nématodes.

Surveiller l’apparition et le développement des nématodes à kystes

Le Bulletin de Santé du Végétal permet d'appréhender le risque nématodes à kystes. Un peu plus de 200 parcelles du réseau de surveillance biologique sont suivies du semis à la récolte dans toutes les zones betteravières. Les animateurs de chaque filière réalisent ensuite l’analyse de risque à partir des observations remontées de ces suivis et la mettent en ligne dans les bulletins.

Cette analyse de risque est complétée par des conseils de gestion dans les notes d'informations régionales qui sont communiquées aux planteurs de manière hebdomadaire sur le site www.itbfr.org, dans la rubrique notes d'informations et par e-mail pour les abonnés.

Allonger la rotation

L’allongement de la rotation permet de diminuer naturellement les niveaux de populations dans le sol en l’absence de betterave et de colza. Il est ainsi recommandé d’espacer les cultures multiplicatrices de quatre ans au minimum.

Éviter l'implantation d'espèces hôtes dans la rotation

Dans les situations où les parcelles sont infestées en nématodes, la culture du colza ou d’autres crucifères non nématicides en rotation avec la betterave doit être évitée. Dans tous les cas, il est impératif de bien gérer la culture de colza après la récolte (chaumes et repousses) en détruisant systématiquement les pivots et les repousses au minimum toutes les 4 semaines (cf. directive nitrates) ou toutes les 3 semaines sur les parcelles dont l’infestation est reconnue. Une destruction mécanique à l’aide d’un outil superficiel sera suffisante.

Implanter des crucifères résistantes en interculture

Implanter très précocement une crucifère résistante en interculture, moutardes blanches et radis, est conseillé. Les radis ont l’avantage, par rapport aux moutardes, de pouvoir être implantés plus précocement. En France, le caractère résistant des variétés est validé par un test normalisé proposé par le laboratoire national de référence du GEVES (la SNES). Grâce à leur profondeur d’enracinement, les crucifères résistantes peuvent avoir une action nématicide jusqu’à 90 cm de profondeur et améliorent la structure du sol. Pour pouvoir bénéficier d’un effet de réduction des populations de nématodes, l’implantation des moutardes ou des radis doit être effectuée au minimum début juillet à la dose de 100 grains/m². Dans une utilisation conventionnelle de crucifère en couvert d’interculture, les variétés résistantes sont conseillées afin d’éviter tout risque de multiplication si les températures clémentes de l’automne sont suffisantes pour boucler un cycle parasitaire.

Implanter précocément les betteraves

Un semis précoce de betterave assure la formation d’un système radiculaire qui permet de mieux supporter l’infestation et augmente la tolérance des plantes, plus particulièrement en période de stress hydrique. En effet, les températures printanières (<10°C) ne sont pas favorables au développement du nématode.

Des variétés résistantes abandonnées...

Les variétés résistantes, qui ne sont plus commercialisées à ce jour, étaient issues de Beta procumbens et présentaient le gène de résistance Hs1Pro1. Ces variétés empêchaient le développement des nématodes ayant pénétré dans les racines et entraînaient une réduction très forte des populations dans le sol, sous réserve que la présence de plantes sensibles due à une maîtrise insuffisante de l’isolement des productions de semences soit très faible.

Leur potentiel de productivité demeurait cependant inférieur à celui des variétés sensibles, surtout en l’absence de nématode. Par ailleurs, les expérimentations menées par l’ITB ont démontré que leur insertion dans la rotation ne permettait pas de diminuer durablement les populations de nématodes et que ces variétés présentaient un risque de contournement de la résistance à terme.

... au profit de variétés tolérantes

Les variétés tolérantes (commercialisées depuis 2004) sont issues de Beta maritima et ne bloquent le développement que d’une partie des nématodes ayant pénétré dans les racines. Ces variétés disposent d'un très haut potentiel de rendement, même en présence du nématode, aujourd’hui semblable aux variétés rhizomanie en terrain sain. Mais leur utilisation contribue à un maintien voire à une multiplication de la population de nématodes en cours de culture. Cependant, des essais en microparcelles réalisés en collaboration avec l'INRAe de Rennes (UMR IGEPP) semblent montrer qu'il est très difficile pour le nématode de contourner ces résistances partielles même avec une pression de sélection artificiellement élevée.

L’observatoire de la durabilité des tolérances aux nématodes

Un observatoire de la durabilité des tolérances aux nématodes a été mis en place, il y a 3 ans, sur environ 250 parcelles dans 8 régions betteravières. Les parcelles observées se situent chez les agriculteurs (3-4 parcelles par agriculteur). Dans chaque parcelle, des prélèvements de terre sont réalisés au semis (Pi) et à la récolte (Pf) afin de suivre l’évolution des populations. Les taux de multiplication des nématodes sont ainsi calculés (Pf/Pi), afin de détecter le plus précocement possible un effondrement de la tolérance (forte multiplication associée à la réapparition de symptômes). Cet observatoire pourrait être prochainement mis à profit pour séquencer la diversité génétique d'Heterodera schachtii au fil des rotations.

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Agrément conseil de l’ITB à l’utilisation des produits phytosanitaires n° 7500002.
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