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Rhizoctone brun

Le rhizoctone brun est une maladie provoquée par un champignon du sol, Rhizoctonia solani, qui attaque de nombreuses plantes cultivées dont la betterave sucrière, le maïs et la pomme de terre, ainsi que des mauvaises herbes. Ce bioagresseur profite de conditions climatiques favorables pour contaminer les betteraves. Il peut induire des pertes de rendement de 10 à 40 %, ainsi qu’une dépréciation de la qualité des récoltes. Toutes les régions sont concernées, mais certains contextes et certaines successions culturales peuvent conduire localement à de fortes infestations. L’allongement des durées de campagne des sucreries depuis 2017 augmente les durées de conservation en silo et nécessite d’anticiper le risque face à cette maladie, à identifier avant la récolte.

Deux souches d'un même champignon responsables de la fonte des semis et du rhizoctone brun

Rhizoctonia solani est la forme imparfaite et asporulée du Basidiomycète Thanatephorus cucumeris (1) . Ce champignon possède une grande diversité génétique, qui a conduit à la subdivision en groupes plus ou moins homogènes, avec 13 groupes d’anastomoses (AG) différents (groupes de souches qui peuvent fusionner entre elles). Le maïs et la betterave peuvent être attaqués par des souches appartenant aux mêmes groupes (2) .

Une contamination précoce peut être responsable d’une fonte des semis de betterave. Cette attaque (rare) est due à la souche AG4 qui se développe de manière optimale à des températures de 5 °C à 15 °C au stade plantule (3).

Les attaques plus tardives en saison entrainant la pourriture des racines sont principalement dues à une autre souche, AG2-2, qui se développe de manière optimale entre 20 °C et 30 °C (3) . Cette souche est très majoritaire et beaucoup plus agressive sur les betteraves adultes (4).

Cycle infectieux du champignon responsable du rhizoctone brun

En hiver, le champignon se conserve dans le sol sous forme de mycélium et de sclérotes, qui constituent ses structures de survie, jusqu’à une profondeur de 30 à 40 cm, mais son activité est plus importante dans la couche superficielle du sol (0-10 cm) (4) . La survie du champignon est améliorée lorsqu’il est inclus dans des résidus végétaux proches de la surface du sol (4) . En effet, Rhizoctonia solani a une faible capacité à coloniser le sol sans d’importantes sources de nutriments telles que des plantes hôtes. Il est très difficile d’évaluer la quantité de cet inoculum primaire (3).

À la fin de l’automne,R. solani entre en dormance. Celle-ci est levée au printemps suivant grâce à l’effet conjugué des conditions du sol (température et humidité) et des exsudats racinaires (dans un rayon de 5 mm autour de la racine). (3)

Au printemps, en fonction de l’humidité et de la température, R. solani commence à s’étendre et investit les racines des jeunes plants (4) . Le mycélium va alors traverser l’épiderme et boucher les vaisseaux, ce qui va interrompre l’approvisionnement en eau et nutriments et entraîner la nécrose des tissus racinaires. Les tissus endommagés servent souvent de porte d’entrée à d’autres champignons ou bactéries pouvant accélérer la pourriture de la racine (4) .

À l'été, la contamination secondaire de plante à plante est possible à des distances allant jusqu’à 30 cm, d’autant plus qu’en présence de plantes hôtes, le champignon exploite plus largement le sol pour développer son réseau mycélien (5) .

 

Compétition avec d'autres champignons

Rizoctonia solani est un saprotrophe, c'est-à-dire qu’il est capable de dégrader la matière organique végétale. Il joue donc un rôle primordial dans le fonctionnement des écosystèmes de recyclage de la matière organique. Cependant, c’est un mauvais compétiteur face à d’autres saprotrophes qui peuvent détruire ses formes de survie. Par exemple, les champignons du genre Trichoderma sont des antagonistes de Rhizoctonia solani qu’ils peuvent parasiter (3).

Gamme d'hôtes

La souche de Rhizoctonia solani responsable du rhizoctone brun (AG2-2) est apte à se développer sur diverses espèces végétales cultivées ainsi que sur de nombreuses adventices. Le tableau suivant présente les principales espèces hôtes du champignon. Les retours fréquents de certaines cultures hôtes en rotation avec la betterave peuvent favoriser le rhizoctone brun, en particulier les systèmes de culture intégrant du maïs.

Symptômes foliaires

Sur le terrain, les symptômes se manifestent par un jaunissement et un flétrissement des feuilles, aboutissant peu à peu à la nécrose complète du feuillage. Les premiers symptômes peuvent apparaître dès le stade 8 feuilles. La maladie se développe essentiellement en foyers, le long des lignes de semis, allongés dans le sens du semis : au centre du foyer les plantes meurent, alors qu’à sa périphérie l’attaque se limite à la superficie du pivot

Symptômes racinaires

Au niveau des racines, une ou plusieurs nécroses superficielles sèches de type "brûlure de cigarette" apparaissent. Puis les nécroses s’étalent et une pourriture brune et sèche, plus ou moins profonde selon le degré d’évolution de la maladie, peut être observée. De plus, des craquelures sont visibles sur le flanc de la racine.

Afin de confirmer le diagnostic, il est nécessaire de couper la racine dans le sens de la hauteur, pour observer une pourriture allant du flanc vers le cœur de la racine.

Ne pas confondre !

Attention aux confusions possibles des symptômes foliaires avec ceux d’une carence en bore ou de rhizoctone violet. Ceux-ci apparaissent plus tardivement pour le rhizoctone violet. Seule l’observation des racines permet un diagnostic sûr.

Utiliser des outils de détermination

Différents outils de détermination sont disponibles sur le site www.itbfr.org :

  • "BetaGIA" est le guide de gestion intégrée des bioagresseurs de la betterave. Il donne des informations pratiques et synthétiques sur le bioagresseur, son impact sur la culture et sur les moyens de lutte disponibles.
  • "DIAGBET maladies et ravageurs" est une application qui permet d’identifier les bioagresseurs de la betterave à différents stades de la culture.

Identifier les situations à risque

La parcelle

  • Les sols hydromorphes, les sols très tassés (avec un problème de circulation d’eau et des périodes d’eau stagnante), présentant une acidité de surface.
  • Les sols à fort taux de matières organiques ou présentant des résidus (permettant la survie de l’inoculum).
  • Les parcelles précédemment atteintes.

La conduite parcellaire

  • Les rotations courtes avec des plantes hôtes.
  • Les semis tardifs.
  • L’épandage d’eaux contaminées.
  • Le transfert de terres contaminées.

Pertes de rendement

Les betteraves atteintes par du rhizoctone brun pourrissent et meurent. La maladie se propage lentement, et n’a pas le temps d’envahir toute la parcelle avant la récolte. Elle atteint au maximum 40 % des plantes dans la parcelle (3).

Les pertes de rendement ont été évaluées en moyenne à 10 % dans les parcelles attaquées. De plus, la teneur en sucre ainsi que la qualité de transformation industrielle sont également impactées (3).

Surveiller l’apparition et le développement du rhizoctone brun

Le Bulletin de Santé du Végétal permet d’appréhender le risque rhizoctone brun. Un peu plus de 200 parcelles du réseau de surveillance biologique sont suivies du semis à la récolte dans toutes les zones betteravières. Les animateurs de chaque filière betterave sucrière réalisent ensuite l’analyse de risque à partir des observations remontées de ces suivis et la mettent en ligne dans les bulletins (à consulter sur le site Internet de l'ITB, rubrique publications / BSV).

Cette analyse de risque est complétée par des conseils de gestion dans les notes d’informations régionales qui sont communiquées aux planteurs sur le site Internet de l'ITB, rubrique publications / notes d'informations régionales et par e-mail pour les abonnés.

Protection phytosanitaire

Le rhizoctone brun est le seul bioagresseur racinaire contre lequel une intervention fongicide en végétation est possible. De plus, il n’existe aucun traitement à action fongicide ou fongistatique pour contrôler ces maladies une fois en silo. Une intervention fongicide contre le rhizoctone brun est possible à partir du stade 8 feuilles (BBCH 18), dès l’apparition des premiers symptômes. Tous les conseils d’applications fongicides contre le rhizoctone brun sont à retrouver dans le guide de culture de l’ITB.

Anticiper les arrachages

Il est important de repérer les parcelles atteintes le plus tôt possible pour reconnaître les symptômes avant que les betteraves ne soient complètement pourries. En cas d’attaque importante, dans la mesure du possible, il est nécessaire de définir les arrachages prioritaires, afin de limiter les pertes de rendement et les betteraves non marchandes. Selon le conseil de la sucrerie, il est possible de laisser en champ les ronds les plus touchés pour éviter de pourrir le silo, ou d’isoler le stockage de ces betteraves non marchandes du reste du silo.

Adapter la conservation

Il est nécessaire d’écourter la durée de stockage des parcelles infestées. En effet, une betterave atteinte au moment de la récolte va continuer de pourrir au silo. De plus, une betterave qui paraît saine au moment de la récolte peut déjà être atteinte, les premiers symptômes étant peu visibles. L’état sanitaire initial au moment de la mise en silo peut en réalité encore fortement évoluer. Il est nécessaire dans ce cas de prévenir la sucrerie pour un enlèvement plus rapide.

Recourir à des variétés de betteraves tolérantes est indispensable en cas de contamination forte ou de situations à risque historique, ou de systèmes de culture favorables à la maladie (retour fréquent des maïs et betteraves). Ces variétés doivent alors être priorisées, indépendamment des moyens de lutte agronomique adoptés. En outre, certaines variétés disposent aussi de très bonnes performances dans les situations de forte pression rhizomanie, ce qui permet de lutter efficacement contre ces deux bioagresseurs simultanément.

Une analyse des performances des variétés tolérantes au rhizoctone brun

Chaque année l’ITB et les services agronomiques des sucreries mettent en place un réseau spécifique d’expérimentation des variétés pour tester leurs performances en présence et en absence du rhizoctone brun. La mobilité du rhizoctone brun dans une même parcelle, en lien avec les interactions du champignon avec la microflore du sol, rend difficile les travaux d’expérimentation en conditions naturelles, obligeant à réaliser des essais avec contamination artificielle (inoculation). L’objectif est de connaître les résistances ou tolérances des variétés et d’étudier les progrès réalisés par la sélection. À la fin de chaque année, la liste de variétés conseillées pour la campagne suivante est diffusée dans Le Betteravier Français. La première variété double tolérante rhizomanie – rhizoctone brun a été ainsi inscrite au catalogue français des variétés dès 1999.

Des méthodes permettent de retarder l’apparition du bioagresseur en limitant sa survie, sa propagation dans la parcelle, ainsi que la contamination à d’autres parcelles. Ces mesures sont à prendre dès la betterave suivante de la rotation en cas d’infestation de rhizoctone brun.

Allonger la rotation

Implanter une culture intermédiaire La rotation est un levier essentiel. Il est conseillé (5) :

  • d’allonger la durée entre deux semis de betteraves,
  • de diversifier dans la mesure du possible la rotation,
  • d’introduire entre 2 cultures de printemps une céréale à paille,
  • de limiter les plantes hôtes, y compris en interculture (ray-grass, …).

Implanter une culture intermédiaire

Afin de réduire la présence d’inoculum de rhizoctone brun, il est recommandé (5) :

  • d’implanter une crucifère (moutarde brune, radis) riche en glucosinolates agissant par biofumigation ;
  • d’optimiser la biofumigation en plusieurs étapes.

Tout savoir sur la biofumigation

La biofumigation consiste à implanter des cultures intermédiaires qui, lors de leur culture mais surtout lors de leur dégradation, vont libérer des métabolites secondaires toxiques pour le bioagresseur. Ces cultures intermédiaires appartiennent principalement à la famille des crucifères dont les métabolites secondaires libérés sont des glucosinolates. Ces derniers vont se transformer, après dégradation, en isothiocyanates (ITC), aux propriétés fongicides. Les molécules ITC, très volatiles, vont limiter la croissance mycélienne ou la formation et la germination des spores. De plus, non seulement la culture, mais aussi l’enfouissement d’un couvert biofumigant influent sur les équilibres microbiens du sol. Ainsi des compétiteurs trophiques ou des parasites sont plus ou moins favorisés, ce qui permet un contrôle partiel des épidémies de rhizoctone. (3)

Soigner la conduite de la culture

Afin de limiter la survie et la propagation du rhizoctone brun, il est conseillé de mettre en œuvre les pratiques ci-dessous avant la prochaine betterave (5) .

Références

  1. LE MANACH L., ITB (2009). Analyse des effets des pratiques agricoles sur les maladies telluriques de la betterave – rapport de stage.
  2. CASDAR SysPID 9034 (2013). Brochure « Réduire la pression du rhizoctone brun en grandes cultures ». Téléchargeable sur le site de certains partenaires du projet SysPID.
  3. LECLERC M. (2013). Approche par modélisation et expérimentation du développement spatio-temporel des maladies telluriques : le cas du pathosystème betterave à sucre – Rhizoctonia solani. Thèse sciences agricoles. Agrocampus - Ecole nationale supérieure d’agronomie de rennes, 2013. Français.  
  4. MOTISI, N. (2009). Réguler les maladies d'origine tellurique par une culture intermédiaire de Brassicacées : mécanismes d'action et conditions d'expression dans une rotation betterave-blé (Thèse de doctorat, Institut Supérieur des Sciences Agronomiques, Agroalimentaires, Horticoles et du Paysage, RENNES, FRA). 264 p. prodinra.inra.fr/record/26686
  5. GAUCHER D., et al. (2014). Réduire l’impact des maladies telluriques dans les systèmes de cultures par une protection intégrée et durable des grandes cultures. Innovations agronomiques 34 (2014), 51-65.
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Agrément conseil de l’ITB à l’utilisation des produits phytosanitaires n° 7500002.
Le portail EcophytoPIC recense les techniques alternatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.


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