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Le charançon Lixus juncii

Le charançon de la betterave, Lixus juncii est un coléoptère de la famille des Curculionidae. Cet insecte polyphage peut se nourrir de nombreuses espèces de plantes notamment de la famille des Amaranthacées dont fait partie la betterave. Les larves de ce ravageur posent des problèmes dans les cultures de betteraves, blettes et épinard.

 

Cycle de développement

Le cycle de vie du charançon se compose de 3 stades larvaires, d’un stade nymphal et d’un stade adulte. Les stades larvaires et nymphal se déroulent au sein de la betterave, dans les pétioles, les tiges ou la racine. La durée des différents stades et le nombre de générations annuelles varient selon la zone géographique. Dans nos régions tempérées, il faut environ 60 jours pour qu’un œuf de charançon se développe en adulte alors qu’il ne faut que 45 jours au Maroc par exemple. La durée réduite du cycle dans les pays au sud de la Méditerranée combinée aux conditions climatiques favorables au développement du charançon lui permettent d’y réaliser 2 générations successives, alors que dans les pays européens il n’y a qu’une seule génération par an.

Les charançons vivent environ 1 an. Ils colonisent les parcelles de betteraves au printemps, entre fin avril et début mai en fonction des années et des régions. Des accouplements sont observés dès l’arrivée des premiers charançons. Quelques jours après la colonisation des parcelles, les femelles commencent à pondre leurs œufs dans les pétioles même lorsque les betteraves sont encore jeunes (4-6 feuilles). Les accouplements et les pontes se poursuivent jusqu’à la fin de vie des individus vers fin juin, début juillet. La nouvelle génération d’adultes émerge des betteraves courant juillet, les deux générations se côtoient donc un court laps de temps. Ces individus émergeants sont incapables de s’accoupler car l’appareil reproducteur des femelles n’est pas développé. Ils quittent alors les parcelles de betteraves à la recherche d’un lieu pour passer l’hiver.

Inconnues sur le cycle de développement

Plusieurs inconnues demeurent concernant le cycle de vie du charançon. Comme indiqué précédemment, les individus de la nouvelle génération sont incapables de se reproduire dans les semaines qui suivent leur émergence en été. Cependant, la période où l’appareil reproducteur des femelles se développe n’est pas encore identifié. Les données de captures montrent que les premières femelles trouvées dans les parcelles de betteraves n’ont pas toute atteint la maturité sexuelle. Un déclenchement de la maturation de l’appareil reproducteur lors de la reprise de l’activité à la sortie de l’hiver pourrait expliquer cette observation, mais des expériences plus approfondies sur le sujet sont nécessaires pour valider cette hypothèse et préciser les facteurs qui déclenchent cette maturation. De plus, parmi ces premières femelles, toutes ne sont pas accouplées, ce qui interroge sur le moment de la reproduction. Or, ces deux éléments représentent un enjeu important pour adapter une stratégie de lutte basée sur la confusion sexuelle ou l’attraction via des phéromones sexuelles car son efficacité serait moindre si les femelles sont fécondées avant leur arrivée dans les parcelles. Des recherches sont également à mener pour identifier les sites d’hivernation du charançon. Cette connaissance permettra de mieux comprendre les dynamiques de colonisation des parcelles et ainsi anticiper les zones à risque. Il sera également possible d’intervenir dans ces lieux pendant l’hiver, lorsque les individus sont vulnérables afin de limiter les populations.

Aire de répartition

Ce ravageur a d’abord posé problème dans les cultures de betteraves porte-graine dans le Sud de la France avant les années 2000. Son passage vers les cultures de betteraves sucrières est beaucoup plus récent, les premiers dégâts ont été signalée dans les plaines de Limagne à partir de 2010. Il a ensuite progressé d’année en année en s’implantant successivement dans la région Centre en 2015, puis dans le sud de l’Ile-de-France, l’Yonne et l’Aube en 2018 avant d’atteindre le sud des Hauts de France en 2020. Si la majorité des régions au sud de Paris sont touchées, la pression du ravageur varie entre les départements et d’une année sur l’autre.

Depuis 2022, l’ITB a mis en place un Outil d’Aide à la Décision (Alerte Charançons) qui représente des données d’observations du charançon sur une carte de France en temps réel. Ces données issues du programme Vigiculture© qui mobilise un vaste réseau de parcelles de betteraves sucrières dans lesquelles sont réalisés des notations hebdomadaires pour suivre l’évolution des bioagresseurs au cours de la saison dans les différentes zones de production. L’OAD Alerte Charançons intègre également un modèle simple qui indique en direct si les conditions de températures observées depuis le début de l’année sont propices à l’arrivée du charançon selon la localisation en France. Il est accessible via la rubrique « Outils » du site web de l’ITB ou sur http://charancons.itbfr.org/.

Régulation naturelle des populations par les auxiliaires

La régulation des ravageurs par les ennemis naturels n’est pas toujours simple à attester, car cela nécessite d’observer la prédation ou le parasitisme directement ou via les traces qu’ils laissent. Ces interactions peuvent avoir lieu aux différents stades de vie du ravageur, qu’il vive dans la plante ou libre dans l’environnement.

Chez L. juncii, les observations sur le terrain révèlent quelques événements de prédation des individus au stade adulte, notamment par des araignées.

L. juncii adulte capturé par une araignée

Le stade larvaire est également sujet à la régulation naturelle. En effet, plusieurs espèces d’hyménoptères parasitoïdes ont été identifiées comme des auxiliaires de L. juncii. Durant l’été 2022, l’ITB a mené une campagne d’échantillonnage des parasitoïdes du charançon après avoir constaté leur forte prévalence dans plusieurs parcelles touchées par le ravageur. En effet, 31 % des larves de charançons étaient tuées par un parasitoïde. Cinq espèces ont pu être identifiées à partir des individus trouvés dans les galeries de charançons avec une espèce principale : Bracon intercessor. Cependant, plusieurs indices sur le terrain semblent indiquer une diversité plus importante d’ennemis naturels avec notamment des prédateurs ou des parasitoïdes s’attaquant aux œufs du charançon.

Parasitoïdes s'attaquant aux larves de L. juncii, au stade nymphe, libre ou dans un cocon (photos au-dessus), et au stade adulte (photos en-dessous)


 
Trous de ponte de L. juncii percés d’un trou de prédateur ou de parasitoïde d’œuf

Identification

L’adulte mesure entre 9 et 15mm et présente un corps allongé. Ses pièces buccales forment un rostre, dont la forme est caractéristique des charançons. La couleur du corps varie entre l’orange et le brun foncé mais toujours avec une bande blanche nette et continue sur les flancs, qui part de la tête jusqu’à l’extrémité des élytres. La couleur orange de certains individus s’explique par la présence d’une fine couche poudreuse orangée. Cette couleur est caractéristique des adultes fraîchement émergés, qui deviennent rapidement plus foncés car la poudre responsable de la teinte orangée se détache très facilement du corps sous l’effet de contraintes physiques.


 
L. juncii adulte

Jeunes adultes de L. juncii. Individus recouverts d’une couche orangée (A et B) et individu bicolore suite à un contact dans les doigts (C)

Il peut être difficile d’observer les adultes lorsque la pression n’est pas très importante car ils se laissent facilement tomber au sol dès qu’ils perçoivent un danger. Ils se trouvent le plus souvent sur le haut des feuilles ou au niveau du collet.

Il est possible de distinguer le mâle de la femelle en s’appuyant sur plusieurs critères. Le plus évident reste la position des individus lors de l’accouplement, le mâle se trouvant toujours sur le dos de la femelle. Deux critères morphologiques peuvent toutefois être utilisés pour sexer à la loupe des individus isolés : la forme du dernier segment abdominal et la taille du rostre. Le critère le plus discriminant est l’observation en vue dorsale du dernier segment abdominal situé sous les élytres. Celui des femelles a une forme qui épouse celle des élytres, tandis que celui des mâles est plus large et rectangulaire. La pilosité de cette zone diffère également selon le sexe, elle est homogène chez les femelles et se poursuit sous les élytres alors que chez les mâles les soies sont plus denses et localisées sur l’extrémité du segment. La taille du rostre permet également de distinguer le sexe des individus. Les femelles présentent un rostre plus allongé que celui des mâles, mais la différence est plus subtile à observer.

Accouplement de L. juncii

 

L. juncii mâle (à gauche) et femelle (à droite)

 

L. juncii femelle (en haut) et mâle (en bas)

L’œuf de L. juncii est jaune clair de forme légèrement ovale.

 

Œufs de L. juncii

La larve est de type vermiforme apode (absence de pattes) de couleur blanche avec une tête foncée bien définie.

 

Larves de L. juncii

La nymphe est de grande taille, de couleur blanche ou marron selon le moment de la métamorphose. Elle est capable de se déplacer dans la galerie. 

 

Nymphe de L. juncii

Dégâts

Pour pondre leurs œufs, les femelles charançons creusent un trou dans le pétiole de la plante à l’aide de leur rostre et déposent un œuf unique dans la cavité avant de le reboucher. Par abus de langage, ce trou de ponte est souvent appelé « piqûre ». Les trous de ponte du charançon sont de taille et de forme variables, s’accompagnant le plus souvent d’une boursouflure.


 
Diversité de forme des trous de ponte de L. juncii

Les trous de ponte ne représentent pas de réel danger pour la plante, mais c’est un indice important sur le terrain pour détecter l’arrivée du charançon dans une parcelle. Ils permettent également d’évaluer le niveau d’infestation dans celle-ci, notamment en mesurant le pourcentage de plantes touchées et/ou le nombre de trous par plante. Dans les parcelles très touchées, plusieurs dizaines de trous de ponte peuvent se trouver sur la même plante avec plus d’une dizaine de trous par pétiole.

Les vrais dommages sont causés par les larves lorsqu’elles creusent des galeries qui descendent du pétiole jusqu’à la racine. Dans certains cas, les galeries dans le pétiole sont visibles en surface. Cependant, toutes les larves ne migrent pas dans la racine, certaines terminent leur cycle dans le pétiole. Dans les deux cas, le charançon une fois arrivé au stade adulte émerge de la betterave en laissant un gros trou derrière lui.


 
Galeries de L. juncii dans le pétiole (à gauche) et dans la racine (à droite)

Trous d’émergence de L. juncii dans le pétiole (à gauche) et dans la racine (à droite)

Il est important de ne pas confondre les galeries du charançon avec celles que peuvent faire les teignes (pas de trou de ponte pour les teignes).

Trous de ponte de L. juncii (A) et dégâts de teigne (B et C)

Bien que les dégâts du charançon soient similaires qu’ils touchent une betterave sucrière, potagère ou porte-graine, à quelques différences près, les conséquences de ces dégâts sont bien distinctes. En culture de porte-graines, les galeries fragilisent les tiges qui peuvent casser. Le charançon peut alors entraîner jusqu’à 30 % de perte de rendement grainier. En betterave sucrière, le véritable problème réside dans les galeries laissées par les larves dans la racine car elles représentent une porte d’entrée pour des champignons comme le Rhizopus. Ce champignon peut entraîner plus de 50 % de pertes, voire une perte de toute la production dans les cas les plus graves. Pour la betterave potagère, c’est la présence de la larve dans la racine qui pose problème car elle se retrouvera dans l’assiette du consommateur.

Betteraves sucrières infestées par du Rhizopus suite aux galeries laissées par L. juncii

Si plusieurs produits phytosanitaires sont aujourd’hui utilisés en betterave porte-graine et potagère pour réduire l’incidence du ravageur, ces produits n’apportent qu’une protection partielle contre le ravageur et les différents produits testés sur betterave sucrière n’ont pas montré d’efficacité.

Depuis le printemps 2022, l’ITB a mis à disposition un nouvel outil, Alerte Charançons, qui permet de visualiser en temps réel la présence du charançon, de manière interactive à l’échelle du territoire. Cet outil se base sur les données de Vigicultures©. Au cours de l’année, l’ITB organise des campagnes de suivis des populations de L. juncii et de ses ennemis naturels ainsi que plusieurs essais au champs. De nouvelles solutions biocides ou répulsives sont ainsi testées, de même que l’efficacité des plantes de service et la sensibilité des variétés commercialisées. Plusieurs expériences sont prévues pour l’hiver 2022-2023 afin d’identifier les sites d’hivernation du charançon. Durant l’été 2022, l’ITB a démarré un élevage de charançons pour poursuivre les expériences durant l’hiver.

Cages d’élevage de L. juncii

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