Fertilisation : répondre aux besoins de la betterave
Les principes généraux de la fertilisation s’appliquent aussi bien en conventionnel qu’en bio. Cependant, les contraintes réglementaires sont plus restrictives et il convient d’adapter les apports en conséquence.
L’ITAB rappelle dans son document joint à cet article, « Rappels réglementaires sur l’utilisation des engrais et amendements organiques en agriculture biologique », les principaux aspects à retenir de la réglementation :
- les programmes d’action de la directive nitrates s’appliquent aussi en agriculture biologique,
- la liste des produits fertilisants est restreinte et listée dans le document,
- la réglementation en vigueur évoluera au 1er janvier 2021 avec notamment la notion d’effluents issus « d’élevage industriel » dont l’usage sera banni.
Il est à noter que les deux coproduits que sont les vinasses et les écumes de sucrerie sont utilisables en agriculture biologique.
Optimiser la gestion de la fertilisation azotée
Pour les engrais organiques, la totalité de l’azote apporté n’est pas nécessairement disponible pour la culture. Un coefficient d’équivalence (Kéq), correspondant à la part d’azote disponible pour la culture relativement à la même quantité d’azote apportée sous forme d’ammonitrate caractérise les produits. Il dépend des périodes d’apport de l’engrais et de végétation de la culture. Quelques exemples issus en partie de la publication « Valorisation agronomique des effluents d’élevages » du RMT élevages et environnement sont donnés ci-dessous. La variabilité des teneurs peut être importante sur les produits organiques.
Source : RMT élevages et environnement
L’enjeu pour la betterave est d’éviter les minéralisations d’engrais trop tardives, qui peuvent avoir un effet négatif sur la richesse. Les produits à base de fientes de poule, ou encore les vinasses de sucrerie (classes 5 et 6 du graphique ci-dessous) sont bien adaptés à des apports de printemps pour lesquels l’azote apporté devra être rapidement disponible. Des engrais à libération plus lente d’azote (classes 1 à 3) seront plus adaptés à des apports d’automne.
Même si les systèmes en agriculture biologique ont tendance à être « sous-fertilisés » en azote, les pertes peuvent pour autant être conséquentes et ce, par deux voies :
- les pertes par volatilisation ammoniacale,
- les pertes par lessivage.
Pour le premier point, l’emploi de certains engrais organiques avec des teneurs élevées en azote ammoniacale entraîne le risque de pertes par volatilisation conséquentes. Un enfouissement des apports juste après épandage est à considérer pour éviter un niveau de pertes qui peut être conséquent. Pour rappel, celles-ci sont favorisées sous les conditions suivantes : pH élevé, vent, températures douces.
Pour le second point, l’apport fréquent de fertilisants organiques sur les parcelles bio rend plus difficile la prédiction de libération d’azote dans le sol. La minéralisation est moins « contrôlée » dans le temps que pour des situations en conventionnel avec des apports minéraux majoritaires. Ainsi, une minéralisation conséquente peut survenir dans ces sols à l’automne précédent l’implantation de la betterave. La réussite du couvert d’interculture est donc primordiale pour préserver une ressource en azote, chère en agriculture biologique.
Assurer une fourniture suffisante en phosphore, potassium et magnésie
Comme pour la production conventionnelle, il conviendra de maintenir des teneurs en phosphore, potassium, et magnésie suffisantes pour permettre un bon prélèvement par la betterave. Le potentiel de production plus faible en bio, conduira tout de même à des exportations plus faibles en ces éléments :
Exports en P2O5, K2O et MgO calculés sur la base de la grille Comifer
Il convient de réaliser à l’échelle de la rotation une estimation des exportations en ces éléments et de s’assurer que les apports permettent de les compenser.
Dans la majorité des produits organiques, le potassium et le magnésium sont présents sous forme soluble. Ainsi leur biodisponibilité pour la betterave est quasiment équivalente à des apports de chlorure de potassium et de sulfate de magnésium. Un apport de 3t/ha de vinasses permet d'assurer la fertilisation potassique et magnésienne des betteraves et de couvrir ses exportations. Pour le phosphore, il est plus ou moins biodisponible selon les engrais apportés. Les coefficients d’équivalence Kéq, calculés par rapport à des apports de même quantité de P2O5 sous forme Super45 ont été déterminés. Quelques exemples sont donnés ci-dessous :
Source : RMT élevages & environnement
Sans pour autant définir un Kéq pour les écumes de sucrerie, plusieurs publications convergent pour dire que la disponibilité du phosphore apportée est bonne à partir du moment où celles-ci sont bien incorporées et se délitent.
Éviter les carences en bore
Les recommandations pour la fertilisation en bore sont identiques au conventionnel. Les produits classiquement utilisés en betterave sont pour la plupart utilisables en agriculture biologique.
Travail du sol : se mettre dans de bonnes conditions pour le semis
Pour la betterave, la conduite d’itinéraires en techniques culturales simplifiées, est fortement déconseillée. La réalisation d’un labour reste un levier important pour la gestion du salissement à l’interculture, et notamment des vivaces.
La conduite de la betterave en bio se distingue du conventionnel par la nécessité de multiplier les faux-semis pour gérer une part conséquente d’adventices avant l’implantation. Ceux-ci seront réalisés par une alternance de passages d’outils de préparation du sol, avec organes de ré-appuis classiquement employés, et d’outils de désherbage mécanique comme la herse. Les premiers permettront de favoriser les levées d’adventices et ainsi d’augmenter l’efficacité des faux-semis suivants. Il est primordial que la dernière intervention avant semis soit un passage d’outil de préparation et non de herse étrille , qui viendrait dégrader la qualité du lit de semences.
Ces passages obligeront bien entendu à retarder la date de semis par rapport au conventionnel. Un essai conduit par la délégation ITB de l’Aisne a relevé la destruction de 150 adventices par m² grâce à la réalisation de faux-semis :
L’enjeu en betterave bio d’avoir une préparation bien nivelée et homogène est majeur, puisqu’il conditionnera la qualité des interventions mécaniques qui suivront.